Alfred de Musset

Musset, Les Nuits, La Nuit d’Octobre

Poème étudié

Honte à toi qui la première
M’as appris la trahison,
Et d’horreur et de colère
M’as fait perdre la raison
Honte à toi, femme à l’œil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l’ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C’est ta voix, c’est ton sourire,
C’est ton regard corrupteur,
Qui m’ont appris à maudire
Jusqu’au semblant du bonheur;
C’est ta jeunesse et tes charmes
Qui m’ont fait désespérer
Et si je doute des larmes,
C’est que je t’ai vu pleurer.
Honte à toi, j’étais encore
Aussi simple qu’un enfant;
Comme une fleur à l’aurore,
Mon coeur s’ouvrait en t’aimant.
Certes, ce coeur sans défense
Put sans peine être abusé;
Mais lui laisser l’innocence
Était encor plus aisé.
Honte à toi ! tu fus la mère
De mes premières douleurs,
Et tu fis de ma paupière
Jaillir la source des pleurs !
Elle coule, sois-en sûre,
Et rien ne la tarira;
Elle sort d’une blessure
Qui jamais ne guérira;
Mais dans cette source amère
Du moins je me laverai,
Et j’y laisserai, j’espère,
Ton souvenir abhorré

de Musset, Les Nuits

Introduction

De Musset écrit « Les nuits » juste après sa rupture avec G. Sand. Comme chacun sait, exprimer ses passions humaines permet de les contrôler. L’auteur se retrouve alors dans son cabinet d’étude en octobre 1837, là où la muse entendra sa confidence : une ancienne douleur se réveille bientôt et les émotions les plus tumultueuses agitent le poète avant d’aboutir au pardon. Nous étudierons tout d’abord la souffrance encore vive, puis nous verrons le portrait à charge de la femme bien aimée et enfin nous nous pencherons sur l’espoir d’un dépassement.

I. Une souffrance encore vive.

Le poète apostrophe la femme aimée après la rupture. Elle est toujours présente dans sa pensée.

Voir le système des temps : passé composé (v.16), renvoie à une action qui a eu lieu dans un passé proche et dont les effets persistent au moment de l’énonciation (v.4, 10-11 et 14-15).

Le tutoiement et l’apostrophe « honte à toi » instaurent un dialogue certes agressif mais qui reconstitue le couple. Le champ lexical de la souffrance est omniprésent (v.4, 12, 26, 28).

Les octosyllabes, les nombreux points d’exclamations créent un rythme rapide qui traduit la colère du poète sensible aussi des anaphores : honte à toi.

II. Un portrait à charge de la femme aimée : elle représente le Mal et la Mort.

C’est une initiatrice : « tu m’as appris », « tu m’as fait perdre », « tu fus la mère ». Perverse : « funestes amours », « regard corrupteur ». Plus âgée que le poète (allusion autobiographique), elle a trahi sa confiance, elle en « mère » et lui en « enfant ».

Elle a été infidèle : elle l’a humilié. Elle a plongé le poète dans le désespoir et la haine des femmes : plus jamais il ne pourra aimer. Un portrait du poète en victime. Le poète est l’objet, la femme le sujet.

Il est un enfant abusé car « sans défense » avec l’innocence (v.18).

Les antithèses confirment les deux rôles :

– Ombre (v.5-7) / Aurore (v.19).
– Regarde corrupteur / Cœur sans défense
– Ensevelir, funeste / Printemps beaux jours
– Œil sombre / Ma paupière, pleurs.

III. L’espoir d’un dépassement.

La revanche par l’écriture : une colère libératrice (catharsis). Le poème sera publié : l’aventure privée est mise sur la place publique. G. Sand n’a pas la possibilité de se défendre.

Des affirmations contradictoires (v.26 à 36). Une source de pleurs intarissables : sois en sure rien. Mais … du moins… : métaphore filée « je me laverai ». Les verbes au futur évoquent un poète délivré de l’obsession amoureuse.

L’intervention de la muse : le poète est aussi la muse. Paroles d’apaisement, changement de mètre, de registre, d’énonciation (invective, injonctive). Renoncement à la haine, à la place respect, pardon, oubli.

Conclusion

Un thème romantique : l’amour malheureux comme source d’imagination (Ruy Blas, Stendhal).

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