Jules Laforgue

Laforgue, Spleen

Poème étudié

Tout m’ennuie aujourd’hui. J’écarte mon rideau,
En haut ciel gris rayé d’une éternelle pluie,
En bas la rue où dans une brume de suie
Des ombres vont, glissant parmi les flaques d’eau.

Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau,
Et machinalement sur la vitre ternie
Je fais du bout du doigt de la calligraphie.
Bah ! sortons, je verrai peut-être du nouveau.

Pas de livres parus. Passants bêtes. Personne.
Des fiacres, de la boue, et l’averse toujours…
Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds…

Je mange, et bâille, et lis, rien ne me passionne…
Bah ! Couchons-nous. – Minuit. Une heure. Ah ! chacun dort !
Seul, je ne puis dormir et je m’ennuie encor.

Laforgue, Spleen

Introduction

Laforgue a fait beaucoup de réécriture d’autres poètes symbolistes, beaucoup de parodies. Il est mort à 30 ans de syphilis. Il est provocateur et membre des hydropathes.

Laforgue appartient au symbolisme. Il ne se considère pas comme supérieur aux hommes. Le poète considère la littérature comme un exercice de style, méprisant les poètes qui se prennent trop au sérieux, il réécrit les œuvres en les parodiant ou les mythes littéraires les plus en vogue dans Moralité légendaire.

Dans ce poème, Spleen, il reprend les thèmes qui ont hantées Baudelaire et fait une version plus explicite de la stérilité poétique.

Nous verrons tout d’abord la forme classique avec l’apparente pauvreté du contenu, et ensuite nous nous intéresserons à la stérilité poétique et enfin nous étudierons la construction cyclique du poème.

I. Forme classique (travaillé) mais apparente pauvreté du contenu.

Il y a le sonnet (forme fixe parfaite, tradition, XVIème siècle), rime embrassée, césure, dernier tercet : pointe.

Le premier quatrain est une introduction, le deuxième et le troisième sont le développement et le cinquième est la chute.

Le poète symboliste moderne exprime le spleen non pas par la forme mais par la pauvreté du lexique et des figures de style. Avec des interjections. Les phrases sont courtes, avec un style télégraphique « – ». Pour certains vers, beaucoup de ponctuations, interjection ou phrases non terminées « … », absence de connecteurs logiques ou phrases nominales.

II. Stérilité poétique.

Il y a une stérilité dans le choix du titre : Spleen. Il y a une référence intertextuelle à Baudelaire.

Graduation vers la stérilité beaucoup plus radicale chez Laforgue que chez Baudelaire. Au vers 9, il y a une assonance en « pa » et une mise en valeur avec la ponctuation et groupe de phrases et de mots décroissants.

III. Construction cyclique.

On ressent l’atmosphère pénible, moins angoissant que chez Baudelaire. Il y a deux mots clés qui encadrent le sonnet : ennuie qui est égale à construction et cyclique qui est équivalent à enfermement. Aussi enfermement avec déictique « haut » ; « bas ».

Présence de présent d’énonciation : permanence du spleen. On ne peut pas le définir avec des pronoms généralisant : « tout », « rien », « encore »…

Conclusion

Laforgue nous propose une autre définition du spleen, et sur l’angoisse de la page blanche. Il y a une apparence simpliste du spleen et le style télégraphique, l’auteur est loin des allégories et métaphores fantastiques présentes chez Baudelaire.

Plus proche du lecteur, il définit plus simplement ce qu’est la stérilité poétique.

Du même auteur Laforgue, Le Sanglot de la Terre, La Cigarette Laforgue, Les Complaintes, Complainte d'un autre dimanche

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