Saint Luc

Saint Luc, Évangile, Section IV, 16,19,31 vers 70, l’Homme riche et lazare

Texte étudié

« Il y avait un homme riche qui s’habillait de pourpre et de fin lin et qui chaque jour faisait brillante chère. Et un pauvre, du nom de Lazare, gisait près de son portail, tout couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche. Bien plus, les chiens eux-mêmes venaient lécher ses ulcères. Or le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche aussi mourut et on l’enterra. »

« Dans le séjour des morts, en proie aux tourments, il leva les yeux et vit de loin Abraham et Lazare en son sein. Alors, il s’écria : « Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis à la torture dans ces flammes » ; – « Mon enfant, répondit Abraham, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie et Lazare pareillement ses maux ; maintenant donc il trouve ici consolation, et toi, tu es à la torture. Ce n’est pas tout : entre vous et nous a été fixé un grand abîme, pour que ceux qui voudraient passer d’ici chez vous ne le puissent, et qu’on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous ».

Le riche répliqua : « Je te prie donc, père, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père, car j’ai cinq frères ; qu’il leur fasse la leçon, de peur qu’ils ne viennent, eux aussi, dans ce lieu de tourments. « Et Abraham de répondre : « Ils ont Moise et les Prophètes : qu’ils les écoutent. » – « Non, père Abraham, dit le riche, mais si quelqu’un de chez les morts va les trouver, ils se repentiront. » Mais Abraham lui dit : « Du moment qu’ils n’écoutent ni Moise ni les Prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus. »

Introduction

Dans le cadre de notre étude de l’apologue et de la parabole, nous étudierons un extrait de L’Évangile de Saint Luc. Saint Luc était médecin au 1er siècle après Jésus-Christ, compagnon de Saint Paul, auteur du 3ème Évangile ainsi que des Actes des Apôtres. Les Évangiles sont au nombre de 4, ils constituent le Nouveau Testament et le terme « Évangile » signifie « bonne nouvelle », celle que Jésus veut communiquer aux hommes sur leur salut. Le message passe sous forme de parabole, c’est-à-dire, d’un récit allégorique chargé d’un enseignement moral ou religieux. Nous allons donc réfléchir sur un contenu anecdotique aboutissant à un enseignement moral. Dans un premier temps, nous analyserons la mise en scène des deux situations de vie puis, en second lieu, l’enseignement de la parabole.

I. Une mise en scène de deux situations de vie et de mort

1. L’opposition des deux vies

Nous avons celle du riche et celle de Lazare. La situation du riche est amorcée par la formule des contes « il y avait », cette simple phrase le définit. Ses habitudes de « riche », bien manger, bien s’habiller… sont mises en évidence par l’imparfait, « il faisait bonne chère ». Lazare est présenté comme quelqu’un de pauvre, qui « gisait » et qui « aurait bien voulu se rassasier », l’accent est mis sur la misère et la maladie ainsi que le suggère l’hyperbole « tout couvert d’ulcères ». L’image des chiens qui venaient « lécher ses ulcères » renforce l’aspect déjà paroxystique de la misérable condition de Lazare. Malgré leur opposition essentielle entre la richesse et la pauvreté, un sort commun les lie, nous avons les sept premières lignes leur récit de vie en accéléré puis après le connecteur « or », le récit de leur mort respective, par conséquent, nous avons la finalité de tous les hommes mise en avant et qui est la première leçon, la mort comme fin irréversible.

2. L’inversion des situations après la mort

Les deux situations initiales sont inversées. « Le riche mourut et on l’enterra » tandis que « le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham ». Le pauvre est au ciel et le riche aux enfers. A cette différence correspond la différence des traitements. « Le pauvre trouve la consolation », le riche souffre la torture des flammes car il a reçu « des biens toute sa vie ». Nous avons donc une inversion irrémédiable justifiée par Abraham par l’opposition des biens, des maux, de la torture et de la consolation. La sentence est logique et irrévocable. L’idée d’un retour en arrière est impossible, l’image du grand abîme domine et la traversée est irréalisable dans les deux sens, « entre vous et nous a été fixé un grand abîme, pour que ceux qui voudraient passer d’ici chez vous ne le puissent et qu’on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous ». Par conséquent, l’abîme empêche la traversée des élus vers les condamnés et les condamnés vers les élus.

3. Abraham, le symbole de la foi

Il est dans un premier temps associé à l’image du juge, assimilé aux anges, c’est lui qui reçoit les élus, c’est également un recours car il est autorisé à répondre aux prières, « Père Abraham aie pitié de moi ». L’impératif met en évidence l’appel à la pitié qui a, à deux reprises le même objet, mais il est avant tout le symbole de la foi. La foi qui seule permet d’être reçu par Abraham. C’est la source d’un message divin, car à travers les propos de celui ci se donne à voir l’enseignement divin. Il repose sur plusieurs nécessités, la charité, ici le riche est mis en accusation, la foi sincère qui s’appuie sur la parole ainsi que le suggèrent les dernières lignes.

La morale se formule par la bouche du personnage d’Abraham dont l’autorité donne d’autant plus de force à cette dernière.

II. L’enseignement de la parabole

1. Le narrateur

Il a un rôle important et est omniscient. Dans l’ensemble du texte, les guillemets sont présents donc le personnage qui raconte est Jésus. Le narrateur met en scène trois personnages, le pauvre, le riche et Abraham qui délivre le message de Jésus. Lorsque le dialogue est mis en place entre le riche et Abraham, nous constatons qu’il n’y a aucun guillemet, ni tiret. Le narrateur se met alors en retrait du dialogue, il n’est présent qu’à travers les verbes de parole. Le narrateur orchestre le dialogue sans prendre position. Ce n’est pas de lui qui vient la morale, elle est inscrite dans le discours et c’est au lecteur de la décrypter.

2. Les réflexions de la parabole

Nous avons une leçon dogmatique qui respecte un point de vue incontestable de la religion. Cette dernière consiste à reconnaître qu’il y a face à l’injustice de la vie terrestre un espoir de compensation au-delà de la mort ainsi le riche qui n’aura pas fait preuve de charité sera châtié. Celui qui ignore la pauvreté et la misère ne mérite pas d’entrer dans le royaume des cieux. Le message est un message d’espoir destiné à la foule populaire. La deuxième réflexion prend forme en fonction du refus d’Abraham qui va nous interpréter selon le cœur et la foi, les paroles des prophètes. Le salut de l’âme passe par l’observation de la loi et non par les prodiges. Il faut donc croire en Dieu, mais la foi véritable n’est pas d’attendre le miracle, l’extraordinaire, mais, au contraire, il s’agit d’écouter et d’appliquer la parole des prophètes.

Conclusion

Dans le cadre de notre réflexion sur l’apologue et la parabole, nous avons approché une réflexion morale associée à une croyance religieuse et nous nous sommes interrogés sur la nature et le contenu de la leçon. A travers le dialogue entre Abraham et le riche, c’est ce dernier qui doit être convaincu. Il faut suivre l’enseignement des prophètes.

Du même auteur Saint Luc, Évangile, La parabole du fils prodigue Saint Luc, Évangile, Chapitre 14, Étude d'un Extrait, Paraboles sur le repas

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