François Villon

Villon, La Ballade des Pendus

Introduction

Ce poème est lu le plus souvent comme un poème autobiographique. Villon a eu des démêlés avec la justice et a été une fois condamné à mort, il a été gracié. Peu après cette affaire où il échappe à sa pendaison, on perd sa trace. Pendant longtemps, on a voulu croire que Villon a composé ce texte dans sa prison dans l’attente de sa pendaison. Cet avis est abusif, et n’enlève rien à la beauté et à la force du poème. Il y a le problème du titre : dans certains manuscrits, il est appelé « Ballade », dans d’autres, il parle de « L’épitaphe Villon » et le plus connu est « La Ballade des pendus ». Dans ce poème, on donne la parole à des pendus fictifs, des suppliciés fictifs qui revendiquent le lien fondamental qui les unit à tous les êtres humains et qui en appelle à la miséricorde des vivants. C’est une Ballade, elle a une forme fixe très en vogue jusqu’à la fin du Moyen Âge, les poètes de la Renaissance rejetteront cette forme : 3 strophes de 10 vers parfois de 8 vers suivies d’une demi-strophe qu’on appelle l’envoi, même jeu de rimes que l’on retrouve dans l’ensemble du poème, présence d’un refrain y compris dans l’envoi, chaque vers est un décasyllabe. On étudiera d’abord la prière que le poème constitue, une prière touchante qui cherche l’émotion, discours pathétique fondé sur la description de l’horreur (description des corps). Nous étudierons ensuite le tableau macabre destiné à frapper le lecteur.

I. Une prière touchante qui cherche l’émotion

Si l’on part du titre « L’épitaphe Villon », c’est une épitaphe particulière car ce sont les condamnés qui parlent après leur mort aux vivants, leur souci est le salue de leurs âmes, préoccupation religieuse relative à leurs salues. C’est une prière que ces pendus exécutés adressent aux vivants, à ceux qui les voient, car il était usage de laisser les cadavres suspendus au gibet à la vue des passants. Les pendus recherchent la compassion des vivants : « si pitié de nous pauvres avez » sans chercher à nier leur culpabilité, ils reconnaissent leurs mauvaises conduites, ils assument le sort qui leur a été réservé, ils ne cherchent pas à clamer leur innocence, ils plaident coupables : « Quant de la chair, que trop avons nourrie », ils ne contestent pas leur peine : « …quoy que fusmes occiz par justice ». Les condamnés ont conscience de ne pas être un modèle à imiter : « Ne soyez donc de notre confrérie ».

Cependant, ils demandent à être considérés comme des humains, des hommes. Il y a deux habitudes qu’ils semblent redouter : la moquerie et le mépris, il y a de nombreuses allusions à un risque : « de notre mal personne ne s’en rie ». La haine d’autre part, ils en appellent à l’humanité des passants, des vivants qui est le thème principal du poème, qui comporte un grand nombre de subjonctifs mais aussi d’impératifs : « n’ayez les cœurs contre nous », « prier Dieu », subjonctifs de souhaits ou d’ordre : « âme ne nous harrie » mais aussi des apostrophes : deux interlocuteurs successifs, les hommes et frère Jésus. Cet appel à la considération humaine est présent dès le premier vers : « Frères humains », connotation évangélique, cette idée de la fraternité des hommes est une idée qu’on trouve dans les évangiles. Les pendus ont bien conscience de ce que ce sentiment de fraternité n’a rien d’évident pour les gens qui les voient, ça a même quelque chose de provocateur, le passant ne souhaite pas se rappeler que le pendu et lui sont de la même famille (vers 11). Quant au refrain, il est volontairement ambigu : « tous », ce mot désigne-t-il tous les pendus ou tous les humains ? C’est une façon de rappeler que nous sommes tous des hommes et qu’eux aussi ont à prier leur salue. Les frères humains sont interpellés afin qu’ils interviennent en faveur des pendus, en aide à ceux-ci. C’est une des fonctions de la prière que de pouvoir venir en aide à autrui, les prières des uns peuvent assurer le salue des autres : interdépendance des êtres humains par l’intermédiaire de la prière : « Excusez nous […] tarie ». Le sentiment religieux imprègne tout le poème et particulièrement la peur de l’enfer, ce qui est très caractéristique du Moyen Âge, « nous préservant », ils veulent être préservés de l’infernale foudre, le poème revient sur cette crainte vers la fin : « Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie ». Villon fait parler les morts (la prosopopée), la voie d’outre-tombe que ce poème fait entendre touche par les sentiments d’humanité qu’elle contient mais aussi par son réalisme macabre.

II. Le tableau macabre destiné à frapper le lecteur

En effet, cette Ballade donne à voir le spectacle du gibet grâce à des éléments descriptifs. De la première à la troisième strophe : éléments descriptifs à caractère macabre. Ce ne sont même plus des cadavres, ce sont des squelettes : « et nous les os… », squelettes en décompositions. Le texte souligne ce qui arrive à la chair, la corruption de la chair. Les altérations du corps humain au moyen d’un grand nombre de participes passés ou passés composés qui expriment un résultat : « Elle est piéça dévorée et pourrie », dégradation du corps. « Et arraché la barbe… », « Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre », précision des détails, réalisme simple de la comparaison avec le dés à coudre, le mouvement des pendus est aussi évoqué aux vers 25 et 26, mais aussi par le rythme : « puis ça, puis la », ou encore au vers 5, rythme à trois temps. Au Moyen Âge, on distinguait le motif de la danse macabre qui sert à rappeler la condition mortelle des hommes : « Rappelez vous que vous devez mourir », dans le poème, on distingue un grand nombre de ces détails macabres et répugnants, les pendus transmettent un message, il y a ici une leçon : memento mori. Rappel du destin commun au vers 8.

Conclusion

On distingue un lyrisme humain et émouvant dans lequel s’exprime la foi vibrante du Moyen Âge : fois simple et profonde. C’est un poème riche et saisissant par ce réalisme macabre représentatif du Moyen Âge.

Tags

Commentaires

0 commentaires à “Villon, La Ballade des Pendus”

Commenter cet article