L’Apologue

Les formes et caractéristiques de l’apologue

I. Origine et sens de l’apologue

1. Définition

« apologos » en grec : « récit détaillé » ; synonyme de fable, terme issu du latin récit. Il désigne un « court récit exposé sous forme allégorique, et qui renferme un enseignement, une leçon de morale pratique« . L’apologue cependant n’est pas à confondre avec le terme « apologie », qui désigne un discours qui défend ou justifie quelqu’un ou quelque chose (Apologie de Raymond Sebond de Montaigne).
4 caractéristiques : récit (genre narratif : sous-genre), bref (« la brièveté » est ce « qu’on fort bien appeler l’âme du conte », déclare La Fontaine), sous forme allégorique, et contenant un enseignement moral (portée didactique).

2. Historique et évolution

Historiquement, genre noble. On attribue l’origine de l’apologue à Platon, qui accorde une place très honorable à Esope, fabuliste grec du VIe siècle avec J-C.
L’apologue n’est pas une narration pleine de fantaisie / « inculque la sagesse et la vertu« .
L’apologue remontre à l’Antiquité gréco-latine avec Esope, Phèdre (env. 15-50 après J-C), Pilpay (vers le 3e siècle avant J-C) : poète indien auteur de nombreuses fables en sanskrit, qui sera lui aussi l’une des sources d’inspiration de certaines des fables de La Fontaine.
L’apologue ne se réduit pas à la fable : le christianisme développera d’autres formes narratives : parabole, conte, nouvelle, image.

II. La diversité narrative de l’apologue

Il peut revêtir des formes très diverses : récit souvent oral à l’origine, récit écrit ou en image.

1. Les 7 formes écrites

La fable : court récit de fiction illustrant une morale et mettant le plus souvent en scène des animaux qui parlent et se comportent comme des êtres humains.
Le fabliau : petit récit édifiant souvent plaisant (variété médiévale de l’apologue).
La parabole : récit allégorique que l’on trouve dans les livres saints. Elle présente, sous une forme, indirecte et imagée, une leçon à portée morale ou religieuse.
Le conte merveilleux, le conte philosophique, et parfois le conte fantastique : ils sont des apologues, en raison de leur dimension allégorique (L’Alchimiste de Paolo Coelho en 1994).
Certains mythes sont des apologues : ils racontent et enseignent (Platon, Montesquieu).
Sorte de synonyme du conte : la nouvelle, lorsqu’elle se présente sous sa forme allégorique (La Métamorphose de Kafka).
L’utopie, véritable genre à part entière, se développe avec la Renaissance. Un récit qui décrit une société idéale, une critique de la société contemporaine par son auteur.

2. L’apologue et ses formes imagées (4 formes)

L’apologue a souvent pris au cours de l’histoire la forme de l’image (statique et unique).
L’emblème (XVIe siècle) : le Contre des astrologues d’André Alciat (1531) : réunit l’image et le texte : soit celui-ci inscrit dans l’image, soit l’accompagne sur une page en regard. L’image y représente de manière allégorique une scène dont le texte est la légende.
La gravure : accompagnait traditionnellement les recueils de fables et concentrait le précepte inclus dans le récit (gravure d’Epinal).
Un tableau ou une série de tableaux (la Malédiction paternelle de Greuze).

Également, certains genres modernes de l’image : BD (forme allégorique), ou le cinéma, revêtent la double forme narrative et allégorique (Dark Cristal).

III. Les caractéristiques de l’apologue

1. Un récit à double sens

Cœur de l’apologue : celui-ci déroule un récit, des situations, des personnages, qui sont le fruit d’une comparaison implicite proposée par l’auteur. Les événements et les héros sont les comparants dont le lecteur est censé comprendre le comparé.
Développement d’une longue et complexe comparaison filée tout au long du récit.

2. Dimension ludique de l’apologue

Il y a un jeu avec le lecteur, incité à lire de manière active, à déchiffrer le sens dissimulé sous le sens figuré, le signifié sous le signifiant, ramener le comparant à son comparé implicite, de transposer sur le plan humain l’allégorie qu’il vient de lire, tirer la morale du récit qu’il vient de parcourir.
La forme figurative empruntée par l’apologue est constitutive du genre. Qu’on la lui ôte, et la narration devient plate, perd de sa poésie, de son charme, et verse dans l’anecdote.
La dimension allégorique, le jeu de décalage avec la réalité ordinaire, le jeu de décryptage proposé au lecteur font de l’apologue une sorte de rébus moral : ce sont les composantes du plaisir de lire un apologue.

3. L’apologue et sa morale

La morale ou la signification de l’apologue peuvent être explicitement mentionnés comme chez La Fontaine : « l’apologue est composé de deux parties dont on peut appeler l’une le corps, l’autre l’âme » : le corps est la fable, et l’âme la moralité.
La morale peut être absente (La parabole du riche et du Lazare) et il y a de nombreuses formes modernes de l’apologue.

Les intentions et fonctions de l’apologue

I. Un récit didactique

1. Instruire

L’apologue se propose d’instruire le lecteur, porteur d’un enseignement d’ordre moral et même pour La Fontaine, d’un savoir : « elles ne sont pas seulement morales, elles donnent encore d’autres connaissances ».
L’apologue enseigne ce qui est bien mais aussi ce qui est vrai en procurant un savoir sur le monde et sur l’homme.

2. Plaire

Le moyen privilégié de cette volonté didactique est un récit plein de fantaisie et d’agréments susceptibles de retenir l’attention et d’intéresser. La narration frappe le lecteur par des situations concrètes, vivantes et familières.

II. Les fonctions de l’apologue

1. Une fonction religieuse

Parabole : délivrer une vérité et un enseignement. L’apologue est alors le véhicule de la diffusion du dogme.

2. Une fonction critique

Exemple : fable, utopie, conte philosophique. De manière indirecte l’apologue se fait satire des mœurs ou du pouvoir.

3. Une fonction morale

L’apologue articule un récit et une morale, celle-ci venant déchiffrer celui-ci.
Mais il peut aussi rester sans explication : au lecteur alors de suppléer cette absence.
Il se veut d’avantage une mise en garde ou une incitation à la réflexion.

Tags

Commentaires

0 commentaires à “L’Apologue”

Commenter cet article