Amélie Nothomb

Nothomb, Le Sabotage amoureux, Début de l’œuvre (Incipit)

Introduction

Le texte est la page d’ouverture d’un récit autobiographique, c’est à dire l’incipit du roman d’Amélie Nothomb. Elle y évoque une partie de sa vie. Le souvenir de l’enfance se transforme en une épopée aussi lyrique que comique. L’écriture de l’adulte pas son pouvoir créateur jette des ponts entre le présent vécu comme déchu et le passé montré comme mythique.

I. Une autobiographie romancée

1. La première page d’un roman autobiographique

Ici, contrairement à chez Rousseau par exemple, il n’y a pas de pacte entre l’auteur et le lecteur.

Rien dans le texte ne nous permet d’affirmer que c’est un roman autobiographique, les seules preuves étant extérieures au texte (interviews diverses). Grâce à ces interviews, on apprend que la période relatée correspond au moment de sa vie dans les années 1974 à Pékin où son père était ambassadeur de Belgique. A cette période, les étrangers étaient coupés du monde dans leur ghetto et ne pouvaient parler avec les chinois.

Cette première page est un récit rétrospectif à l’imparfait et au passé simple. L’auteur montre son soucis égocentrique (car seul personnage de cette première page) : elle veut pas ce biais accrocher le lecteur par un sentiment d’admiration.

Le roman tourne en effet entièrement autour d’elle : c’est un récit d’environ trois ans dans la vie de l’auteur, c’est à dire au final un récit autobiographique d’enfance où l’auteur nous décrit en particulier les événements qui ont construit la petite fille, ainsi que son mythe.

2. Une première page

L’auteur situe le temps et le lieu et suscite l’intérêt de son œuvre en créant des énigmes (pour but d’accrocher le lecteur).

Lieu : Pékin à travers sa laideur (à travers une vision subjective) avec des éléments marquants de la ville pour une petite fille (« crachats »; « ânes »; « ventilateurs »; « passants »). Une description qui est résumée par la phrase « Pékin sentait le vomi d’enfant » (une allusion à des rues sales)

Description de plus des chinois à travers trois détails : « raclements … regards » (fin du texte). L’absence de regard significatif étant dû au fait que les chinois ne devaient pas se regarder dans les yeux (un signe de répression). Elle donne au final de Pékin une image d’enfermement [le ghetto où elle entre à la fin (« garde »; « enceinte » qui montrent la laideur et la tristesse)].

Le personnage principal est décrit dans cette première page. La narratrice y est en effet présentée de manière étonnante (en pleine action). Un début original donc (in médias res). Elle se présente au grand galop avec son cheval qui est en fait une allusion à son vélo. La description est vécue de l’intérieur de la jeune fille et se ressent par : – l’omniprésence du « je » dans tout le texte – les sensations physiques (« l’ai qui vide la tête ») – le fait qu’elle se prenne pour le centre du monde.

(«  ») : syllogisme logique : elle trône comme personnage principal de cette première page. Le nombre important de paragraphes font penser à un récit d’enfant, présenté comme tel. Les expressions de type « galops de mon cheval » se rattachent à cette idée.

Transition : C’est justement cette façon de présenter son enfance qui va transformer cette première page en une forme d’épopée féérique.

II. Une épopée féérique

1. Le côté merveilleux

Ce côté merveilleux du texte se voit à travers les deux tonalités principales : le lyrisme et le comique (deux tonalités que l’on retrouve dans l’univers de Dom Quichotte). La « lutte » contre les ventilateurs de Pékin fait certainement allusion à la lutte de Dom Quichotte contre les moulins à vent.

Un univers merveilleux nous est décrit : cet incipit est en fait une sorte de conte : Le cheval et le vélo ne sont jamais nommés mais le vocabulaire est présent (« assiette » : domaine de l’équitation). Elle nous oblige par ce moyen à rentrer dans sa magie. De plus, la Chine est un pays de légendes (parfois mégalomanes – exagérées). Sa passion pour le vent, la vitesse, la liberté dans tout le texte soulignent encore le côté « magique » de cette description.

Les nombreux procédés viennent de plus renforcer cette idée :

Hyperboles : (les phrases autour de la beauté et de la laideur notamment par le vocabulaire utilisé).

L’anaphore de « c’était ».

Le rythme ternaire présent dans une bonne partie du texte.

Les métonymies – les comparaisons : « crâne déployé comme une voile » (c’est l’image d’un navire = une image noble)

Elle nous décrit ce monde à travers une vision chevaleresque : on a l’impression que toute sa personne est « l’objet de tous les regards ». « Une Pavan pour … » : c’est une danse lente et grave de la Cour. Elle y fait correspondre son épopée qui est une sorte de danse lente dans les rues de Pékin. Utilisation de plus d’un vocabulaire valorisant.

Opposition de l’univers chinois gris – triste – lourd face à la petite fille avec son « cheval » qui est présentée comme un instrument de conquête.

2. Côté comique

La petite fille fait des nouvelles nominations des choses les plus simples :  » Boulevard de la … » ; « Place du grand vent ». Typique chez l’enfant.

Le côté comique se fait ressentir de plus par les contrastes entre la réalité et ce que perçoit la petite fille (qui est selon elle l’objet des regards) ce qui marque un décalage (car l’auteur adulte nous décrit le vide des regards). Ce procédé dégage une ironie, une autodérision de l’adulte se voyant enfant. « elle flatte la croupe … et le ciel de Pékin » : image amusante qui symbolise la conquête du ciel de Pékin.

Transition : A travers cette épopée décrivant une brève anecdote de sa jeunesse, l’auteur va en constituer un mythe.

III. La création d’un mythe

Présence des dimensions mythiques de l’enfance : notions abstraites : grandeur – beauté – liberté.

Elle explique le monde de manière magique : elle nomme, raisonne.

L’enfant est présenté comme un Dieu (comme si l’enfant était à l’origine du Monde) car l’Enfance est infinie = sorte d’immensité intérieure.

La vitesse permet de transcender le Monde dans une sorte de côté immatériel.

Le choix de Pékin : ce qui a aidé à créer le mythe de l’Enfance.

Conclusion

Ce texte présente une sorte de paradis, d’âge d’or avant la chute, un paradis perdu où seul l’écrit permet plus tard d’y retourner. L’écriture impressionniste veut transcrire les sensations de l’enfant qui se sent un véritable Dieu, une petite déesse. L’enfant a vécu ces sensations et l’auteur peut grâce à l’écrit rejoindre ces sensations perdues.

Citation : « Il y a une densité dans l’enfance que l’on ne retrouve plus jamais après » (Amélie Nothomb).

Du même auteur Nothomb, Stupeur et Tremblements, Chapitre 1

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