Francis Ponge

Ponge, Le Parti pris des Choses, L’Huître

Citation

« Le meilleur parti à prendre est de considérer toute chose comme inconnue » (Francis Ponge)

Introduction

Titre manifeste, le Parti pris des choses de Francis Ponge indique une voie poétique où l’écrivain, tournant le dos à tout lyrisme, se met en quête de la matérialité des choses, de leur profondeur substantielle. Mais la rencontre des choses avec le poème suppose un travail patient : aucun mot n’y figure au hasard; tout objet vu, traversé par l’imaginaire du poète, y est soumis, comme ici « L’huître », au travail et aux jeux de la langue. Alliant un faux réalisme à l’humour, Ponge témoigne d’un regard neuf et posé avec affection sur le monde (comme l’indique le titre du recueil) et réussit à transformer l’objet le plus banal en un univers étonnant et poétique tandis que l’homme n’y brille que par son absence ou la menace qu’il représente.

Lecture puis annonce des axes

Nous verrons tout d’abord la découverte de l’Huître par l’auteur puis le rôle que joue l’Homme dans ce texte et en enfin, nous nous pencherons sur les leçons que doit tirer le lecteur à travers ce poème.

I. Comment Ponge part à la découverte de l’huître (en essayant d’adapter les moyens d’expression à la réalité)

A. Étude de la structure du texte (car significative).

Trois paragraphes de plus en plus petits qui correspondent à l’Huître en fonction de sa grosseur. Enchaînement logique et chronologique :

Paragraphe 1 : Huître close et méthode pour l’ouvrir.
Paragraphe 2 : A l’intérieur de l’Huître.
Paragraphe 3 : La perle

B. L’huître close.

Description très précise et réaliste : taille, forme, couleur, texture sont donnés soit directement soit par la comparaison avec d’autres objets (comparaison avec un galet moyen). Description très complète : deux parties parfaitement symétriques.

Insiste sur ce qu’est l’huître à travers le langage : – grâce au thème du binaire (« cassant »/ »coupent »). Une apparence donne une couleur, une expression reprend une autre expression. – aux consonnes : 2 « s », 2 « p ». – la rugosité se voit pas les sonorités, des termes en « bre »-« gre »-« fre »-« tr » (dans mot huître déjà).

C. L’huître ouverte.

Antithèse : intérieur mou, visqueux, aquatique (champ lexical du liquide) / extérieur dur.

Une seule grande phrase qui créée l’ampleur de la mer. L’intérieur est décrit comme un monde à part (« monde », « firmament »)
Présence de 2 octosyllabes et 2 alexandrins qui donnent un rythme harmonieux.

Transition : Ponge nous décrit l’huître sous toutes ses formes à travers notamment son regard. Il met volontairement l’Homme de côté dans cette description et se contente de le sous-entendre.

II. Présence – Absence de l’homme dans le poème

Dans le poème, l’Homme est relégué, non nommé, le titre du poème désigne d’ailleurs un objet.

A. Où est la présence de l’Homme ?

L’homme est suggéré à travers le « on » (« homo » en latin).

Les actions humaines sont aussi suggérées : « doigts »-« ongles »-« torchon ». L’homme est présent en filigrane (en transparence)

Le vocabulaire est emprunté à celui de l’humain : « peu franc » (vocabulaire morale en fait qui désigne aussi l’homme = connotation péjorative) – « doigt curieux » (une qualité qu’il veut donner à l’homme).

Travail grossier décrit : toute l’huître est saisie par les sens humains : vue, odeur, goût (plus ou moins suggéré qui est lié à l’odeur), le touché (la rugosité).

B. La lutte contre l’huître.

Une lutte violente, cruelle, qui se note par le rythme ternaire qui suppose un acharnement humain : « il faut alors la tenir au creux d’un torchon, se servir d’un … ». L’acharnement est aussi montré par les sonorités : [k] : « cassent » … [G] : son dur.

L’huître devient COD à partir du moment où elle est ouverte : – termes péjoratifs : verdâtre, noirâtre. – sorte de nausée de l’Homme : « sachet visqueux » – l’expression  » à boire et à manger » qui peut être prise au sens figuré (meilleur et pire) et au sens propre (la faim et la soif).

Transition : C’est en connotant péjorativement l’Homme par de nombreuses figures de styles que Ponge montre les leçons principales que le lecteur doit tirer de ce texte.

III. Les leçons à tirer du poème

Ponge veut montrer que l’huître est à la fois un objet de méditation et de contemplation.

A. Apparition merveilleuse de l’huître décrite comme un microcosme (un petit univers à elle même)

Champ lexical du grand : « cieux » (qui a ici une connotation religieuse) – « firmament ». Une dimension métaphysique au final.

La rondeur est exprimée à travers la comparaison avec le galet moyen. Idée d’un volume rond, d’un dehors et d’un dedans qui donnent toute une mystériosité à l’huître).

B. Fusion harmonieuse.

Unité syntaxique du deuxième paragraphe : fusion harmonieuse entre les différents éléments à l’intérieur de l’huître : impression d’un tout.

Fusion de trois éléments : terre (minéral : galet + coquille) – eau (« mare ») – air (« cieux » – « firmament »).

C. Allégorie de l’écriture et de la lecture.

Essentiellement sur la dernière phrase : Allégorie de la perle sortie de l’huître.

Allusion au langage humain : plusieurs sens donnés au mot « formule » = l’art de condenser les propos. C’est l’idée de raccourcir, de densité.

Allégorie de la lecture : Le texte dans sa forme est lui-même comme l’huître. A noter de plus la persévérance du lecteur (« opiniâtrement clos »)

Conclusion

Ce texte illustre la volonté de Ponge à rendre compte de l’épaisseur des choses (la richesse) par l’épaisseur des mots. Il nous fait découvrir le merveilleux du quotidien. Cette œuvre totalement engagée débouche sur un dégoût des actions humaines.

Du même auteur Ponge, Le Parti pris des Choses, Le Pain Ponge, Le Parti pris des Choses, L'Orange

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