Jean Racine

Racine, Phèdre, Acte I, Scène 3

Passage allant du début de la scène (« N’allons point plus avant. ») à « Et mes yeux, malgré moi, se remplissent de pleurs ».

Introduction

Héritée de l’Antiquité grecque, la tragédie connaît son âge d’or au XVIIème siècle. Corneille en fait, sous le règne de Louis XIII, l’espace d’expression des conflits qui traversent le monde des grands du royaume. Son rival Racine, sous le règne du monarque absolu Louis XIV, en use, lui, pour exprimer la terrible fatalité qui peut accabler l’être humain et en faire un simple jouet dans les mains du destin. Phèdre est amoureuse d’Hyppolyte, le fils d’un premier mariage de son mari Thésée, roi d’Athènes, aujourd’hui absent. La scène 3 de l’acte I est l’entrée en scène de Phèdre. Racine a préparé cette entrée qui restera célèbre dans l’histoire de la littérature, et qui est de plus extrémement remarquable par son naturel et l’énigme qu’elle va poser.

Lecture du texte puis annonce des axes

A travers ce texte, nous expliquerons l’entrée en scène de l’héroïne éponyme puis nous nous pencherons sur le rôle de la confidente Oenone.

I. L’entrée en scène de l’héroïne éponyme (sur tous les plans)

A. Les facettes de Phèdre

Cette entrée en scène révèle 5 facettes de Phèdre, ainsi que de nombreux sentiments :

Une Phèdre « mourante » : « ma force m’abandonne » (v2) – « mes genoux tremblants » (v4) qui expriment la douleur et la souffrance. Le pathétique est exprimé à travers cette première réplique, elle demande qu’on la plaigne et ceci se voit notamment par l’abondance de négations : (« N’allons point » – …).

Une Phèdre « souffrante » (v6 à 9) : qui se distingue par le caractère arrogant de l’héroïne (= une reine souffrante avec un côté capricieux). Oenone lui fait remarquer qu’elle ne peut s’en prendre qu’à elle (c’est elle qui a appelé ses servantes pour qu’on lui change ses vêtements). « Quelle importune main, en formant tous ces nœuds » (v8) : une manière de reporter le désagrément sur les autres. Le 10ème vers est dramatisant : « Tout m’afflige et me nuit, et conspire à me nuire » par le rythme tout d’abord mais aussi par l’abondance du ‘i’ tragique (le « i » tragique de la tragédie racinienne = un « i » stridant, le « i » de la douleur).

Sa « descendance » : descendante du Soleil. Phèdre est montrée comme une demi-déesse. Le sentiment dégagé est l’orgueil de l’héroïne.

La Phèdre « amoureuse » : (vers 25 à 27) : un amour délirant, possédé y est peint. C’est surtout le bonheur de l’amour qui est dégagé. C’est la manière dont Racine peint la passion amoureuse (comme une folie).

La Phèdre « honteuse » : Phèdre est amoureuse et honteuse et montre qu’elle ne contrôle rien par l’accusation des Dieux : c’est un moyen de se déculpabiliser : les dieux m’en ont ravi l’usage » (v30)

Transition : Une entrée en scène monumentale car elle présente les cinq facettes de Phèdre que nous retrouverons par la suite dans la pièce (pire encore, Phèdre ira jusqu’à l’autopunition : elle se suicidera). La jalousie que nous retrouvons plus loin dans la pièce n’est pas exprimée ici mais est sous-entendue dans l’amour fou et passionné qui est incontrôlable.

B. Le Langage tragique

Se note par :

La noblesse du registre : « Demeurons chère Oenone » (v1) …

Les nombreuses périphrases (v18) : « Noble et brillant auteur d’une triste famille ».

La musicalité du texte avec le rythme tantôt binaire et ternaire avec une symétrie de la construction dans le rythme binaire.

Allitérations nombreuses : « m » (v2) « v » (v17) + une anaphore du « vous ».

Les assonances en « i » notamment (v9).

Une déconstruction volontaire de la syntaxe : des phrases interrogatives, exclamatives, nominales ? une incohérence de la syntaxe.

Des images juxtaposées qui n’ont aucun lien (on assiste à un dialogue de sourd à certains moments entre Phèdre et sa confidente).

Transition : Dans cette sublime entrée en scène, l’héroïne tragique est présentée de manière complète mais le rôle de la confidente paraît bien changé.

II. Une confidente à la fois tragique et originale

Rappel : Avant la tragédie de Racine, la confidente ne jouait pas un rôle actif, elle jouait un rôle comme le chœur dans la tragédie antique, elle était le sorte de faire-valoir de sa maîtresse.

A partir du vers 10, Oenone sort de son rôle. C’est le moment où elle secoue sa maîtresse : elle essaie de la mettre en face de ses contradictions, ses responsabilités avec notamment l’anaphore du « vous ».

A la réplique suivante, elle est pire car agacée (v21). Elle utilise un ton agacé de supériorité, le vers 21 se veut grondant notamment par le vocabulaire de la « mort » qui est employé. Le « Quoi » ramène Phèdre vers la voix de l’aveu qui lui fera admettre sa passion pour Hippolyte un peu plus loin.

Conclusion

Cette scène qui est l’entrée du personnage principal de la pièce nous peint de manière très complète le personnage de Phèdre et nous donne des indices quand à la suite du déroulement de la pièce. L’héroïne apparaît rongée et désespérée par cette passion aussi brûlante qu’interdite.

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