Michel LEIRIS : Commentaire composé de "Gorge coupée", L'âge d'homme (1939)
Introduction :
Avec L'âge d'homme, Michel Leiris inaugure une forme d'autobiographie originale, à la fois ethnographique et psychanalytique. Il y relate notamment un épisode traumatisant de son enfance – l'ablation des végétations – dont il fait un événement constitutif de sa personnalité. Sous les apparences d'un récit objectif se déroule la dénonciation d'un monde fondé sur la duplicité et le mensonge.
Ce qu'on relève (mots du texte avec lignes de référence et guillemets) |
Ce qu'on analyse (outils d'analyse, procédés littéraires et figures de style) |
Ce qu'on interprète (commentaires, explications) |
I) Un récit objectif en apparence :
l.12-13 « Viens, mon petit coco ! On va jouer à faire la cuisine »
Passé simple et Imparfait dans les 2 premiers paragraphes l.1 « cinq ou six ans », l.3 « d'abord », l.7 « point pour point », l.8 « voici comment les choses se passèrent », l.19-20 « la période qui suivit immédiatement l'opération » l.1 « je veux dire que », l.4-5 « si mes souvenirs sont justes », l.10-11 « telle est du moins l'image […] que j'en ai gardée », l.19 « tout ce que je me rappelle »
l.2-3, l.4 « le chirurgien », l.6 « le vieux médecin de la famille », l.10 « blouse blanche », l.11 « instruments tranchants »… |
PLAN/COMPOSITION : 3 paragraphes irréguliers TEMPORALITE :
TEMPS :
Repères temporels
Nuances dans le récit
CHAMP LEXICAL de la médecine |
2 paragraphes sont consacrés à l'opération et à ses suites (la SCENE de l'opération est détaillée). Un paragraphe est réservé à l'analyse et aux conséquences de cette opération sur sa vie d'adulte. Les propos du vieux médecin, notamment le terme affectif qu'il emploie, insistent sur la sournoiserie et l'hypocrisie de celui-ci.
Temps du récit pour raconter son souvenir. Souvenir lointain qui ramène l'auteur une trentaine d'années en arrière. Les repères temporels donnent de la crédibilité à son récit. Ils mettent en évidence la chronologie de l'épisode. Ces nuances montrent les efforts du narrateur pour rester objectif et retranscrire avec le plus de fidélité possible l'épisode traumatisant de son enfance.
Le vocabulaire médical, omniprésent dans le 1° paragraphe, inscrit le texte dans un registre grave, sérieux. |
II) Un souvenir traumatisant : Titre, l.1 « victime d'une agression », l.3 « très brutale », l.10-11, l.14-15, l.20-23…
l.4-5 « la faute […] sans me dire où ils me conduisaient », l.5 « le tour sinistre », l.7 « un coup monté », l.8 « un abominable guet-apens », l.25-26, l.27… l.28 « vaste prison ou salle de chirurgie », l.32 « l'abattoir » l.29
Présent de l'Indicatif dans le 3° paragraphe
JE l.1, 17 et 24. l.3 et 21 « mes parents » l.4, 6, 9 et 14 « le chirurgien » l.6, 9 et 12 « le vieux médecin » l.15, 18 et 21 « ma mère » l.26 « de la part des adultes » |
CHAMPS LEXICAUX - de la violence Accumulation de phrases nominales Nombreuses hyperboles
- de la duperie/du mensonge Nombreuses hyperboles l.25-26 Gradation l.27 Superlatif Métaphore filée de l'enfermement mêlée à la Métaphore filée du sacrifice sanguinaire l.29 Gradation
TEMPS :
ENONCIATION
|
La violence est présente dans tout le texte ; elle culmine aux lignes 14-16 avec une double métaphore : celle du chirurgien transformé en assaillant et du narrateur enfant assimilé à un animal qu'on sacrifie. Le chirurgien est également assimilé à un personnage terrifiant des contes pour enfants : l'ogre. La succession des flashes l.20-23 traduit aussi cette souffrance qui laisse sans voix le petit garçon. Le narrateur insiste particulièrement sur les mensonges successifs des adultes : ceux de ses parents comme ceux des médecins. Le vocabulaire utilisé est très péjoratif et trahit le manque de confiance du narrateur envers les adultes. Cette expérience a considérablement influencé la représentation très pessimiste du monde qu'a Michel Leiris.
Temps du discours : l'auteur s'adresse au lecteur comme à un confident. Ce présent prend aussi valeur de vérité générale : à partir de cette expérience particulière, l'auteur tire des conséquences sur l'existence en général. Omniprésence du JE car Autobiographie (Auteur=Narrateur=Personnage). Absence de la figure du père, qui n'est évoqué qu'implicitement à travers le couple. Les autres figures viriles sont malfaisantes et hypocrites. Seule la mère s'apitoie (registre pathétique) et tente de le consoler. Mais le raisonnement du petit garçon assimile toutes les « grandes personnes » à des êtres cruels. |
Conclusion :
S'inscrivant dans le projet rousseauiste de se peindre tel qu'il est, sans chercher à masquer ses défauts, Michel Leiris tente pourtant d'apitoyer le lecteur sur le petit garçon qu'il était. Le pacte autobiographique semble donc mis à mal avec ce texte puisque le lecteur peut mettre en doute la véracité des faits rapportés par Leiris. Cependant l'intérêt de son œuvre réside surtout dans l'explication d'actes fondateurs de la représentation de toute une vie.