Michel Butor : La Modification : Incipit
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- PASSAGE : Voir texte étudié ci-dessous.
Originaire de Mons-en-Baroeul, près de Lille, Michel Butor a vécu à Paris avant d'enseigner la philosophie et la littérature dans divers pays étrangers. Il publie ses premiers romans au cours des années cinquante. Partageant son temps entre l'enseignement, les voyages et l'écriture, il n'a cessé de chercher de nouveaux modes d'expression. Cet extrait est le début d'une œuvre représentative du nouveau roman. Les étapes traditionnelles du roman comme les personnages, la durée romanesque, le récit, l'intrigue y apparaissent sous des formes tout à fait nouvelles. Il y a une remise en cause du rôle du personnage, nous pouvons analogiquement citer Robe Grillet. Le titre rend d'emblée ambiguë l'identifia de la nature du texte, le lecteur se demande qui est désigné derrière ce « vous » et qui prend ce « vous » à sa charge. Les caractéristiques du texte nous amènent à étudier ce texte en trois temps, dans un premier, nous verrons les informations de l'incipit, puis son originalité et enfin les interprétations possibles du « vous »...
Texte étudié :
Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant.
Vous vous introduisez par l'étroite ouverture en vous frottant contre ses bords, puis, votre valise couverte de granuleux cuir sonre couleur d'épaisse bouteille, votre valise assez petite d'homme habitué aux longs voyages, vous l'arrachez par sa poignée collante, avec vos doigts qui se sont échauffés, si peu lourde qu'elle soit, de l'avoir portée jusqu'ici, vous la soulevez et vous sentez vos muscles et vos tendons se dessiner non seulement dans vos phalanges, dans votre paume, votre poignet et votre bras, mais dans cotre épaule aussi, dans toute la moitié du dos et dans vos vertèbres depuis votre cou jusqu'aux reins.
Non, ce n'est pas seulement l'heure, à peine matinale, qui est responsable de cette faiblesse inhabituelle, c'est déjà l'âge qui cherche à vous convaincre de sa domination sur votre corps, et pourtant, vous venez seulement d'atteindre les quarante cinq ans.
Vos yeux sont mal ouverts, comme voilés de fumée légère, vos paupières sensibles et mal lubrifiées, vos tempes crispées, à la peau tendue et comme raidie en plis minces, vos cheveux, qui se clairsèment et grisonnent, insensiblement pour autrui mais non pour vous, pour Henriette et pour Cécile, ni même pour les enfants désormais sont un peu hérissés et tout votre corps à l'intérieur de vos habits qui le gênent, le serrent et lui pèsent, est comme baigné, dans son réveil imparfait, d'une eau agitée et gazeuse pleine d'animalcules en suspension.