Jules Laforgue

Laforgue, Les Complaintes, Complainte d’un autre dimanche

Introduction

Une complainte est une chanson de rue qui raconte une histoire triste sur un ton mi-comique, mi-pathétique. Jules Laforgue a repris et adapté cette forme ancienne dans un recueil publié à son nom en 1885 intitulé « Les complaintes ». Ces poèmes marqués par un mal de vivre né de l’ennui du un sentiment de malheur et par le désir de ne jamais combler une évasion libératrice. Il exprime l’Ennui devant un monde monotone et uniforme. L’horreur de la journée du dimanche qui est pour Laforgue un jour vide et un thème présent dans d’autres poèmes du recueil.

I. Un poème de l’ennui et de la monotonie

Le thème de la répétition monotone est prépondérant dans le poème, il est déjà présent dans le titre lui-même : « Complainte d’un autre dimanche ». Mais le poème évoque deux dimanches, un dimanche du passé et le dimanche qui correspond au moment de l’énonciation. Tout se passe dans ce poème comme si un poème commençait, c’était l’évocation d’un dimanche du passé mais dès le deuxième vers, ce paysage d’autrefois renvoie au présent. La réalité se répète, la vie est monotone, le temps ne modifie pas le cadre de vie du poète. Les vers 2 à 15 décrivent ce paysage sinistre que le poète voit et voyait de sa fenêtre. Puis, après le 15 ème vers, le poème s’engage sur une méditation amère du poète sur lui-même et le jugement que le poète porte sur son activité de poète est sévère : il met en avant l’idée de répétitions et de radotages inutiles. Enfin, le poème entamé du passé qui a avorté, on en vient au présent, puis à la fin du poème, il y a une reprise du premier vers avec des variantes, avec un adverbe qui change et une variante de temps avec le passé simple qui sonne comme une conclusion. Cette fin semblable au début suggère l’idée d’un éternel recommencement. La réalité, telle qu’elle est décrite, constitue un triste tableau parisien.

II. Un triste tableau parisien

La description que comporte ce poème abonde en termes dépréciatifs comme : « ce glabre paysage ». Le choix de l’adjectif « glabre » est impressionnant puisque impropre, cela paraît sinistre. Ce paysage décrit est encadré par une jalousie, une sorte de fenêtre qui est de travers dont l’encadrement est abîmé. Quant au tableau lui-même, on y voit une sorte d’objet particulièrement peu poétique à savoir « une paire de guêtres » dont l’évocation fait naître une métaphore volontairement répugnante. Du reste, le poème est marqué par la présence des champs lexicaux du morbide et du macabre : « soleil couchant », « mal bâtie », « supure.. », « glycines qui deviennent des squelettes », « les arbres quand à eux dessinent dans le ciel des bandages livides » et à cet égard en « plein » d’un hôpital est symbolique de cet atmosphère morbide qui constitue l’univers du poème. Tout cela forme un paysage malade. Le malade, qui est le poète transmet sa hantise de la maladie sur ce qu’il voit. Ce paysage est placé sous le signe de la petitesse : « cinq arbres », « mesquines rafales » et ces mots sont répétés d’une façon volontairement maladroite. On note chez Laforgue dans ce texte une volonté de « dépoétiser » ce dont il parle, c’est une sorte d’anti-lyrisme qui recherche une poésie grinçante et dissonante.

III. Un lyrisme dissonant et grinçant

Ce lyrisme est visible dans certains thèmes qui sont traditionnels comme « le soleil couchant », « l’automne », « les fleurs » mais tout cela est traité de façon non traditionnelle. Il prend le parti pris de la laideur et du négatif. Cet état d’esprit se manifeste également dans le traitement infligé à la langue et à la versification qui recherche la laideur. On peut dire que le poème est composé de quatre strophes et d’un vers, ce sont des alexandrins. En ce qui concerne les rimes, le mot qui termine le premier vers est toujours le même que le dernier mot du cinquième vers. Les rimes sont toutes des rimes féminines, ce qui n’est pas du tout classique. En outre, certaines rimes ne sont pas de vraies rimes mais des assonances. Le rythme est assez souvent désarticulé, on a rarement affaire à un alexandrin classique et une coupe après le sixième pied. Il fait subir de nombreuses entorses à la versification traditionnelle. Pour qualifier le paysage, Laforgue a utilisé un épithète. Ce poème n’a pas des tournures très harmonieuses, on voit un néologisme dans l’emploi du verbe « se ressasser ». Il y a la cohabitation de styles variés et opposés. On peut dire que le style de l’ensemble du poème est non conventionnel. La figure du poète et la poésie elle-même sont également maltraitées et dévalorisées.

Conclusion

Les sentiments qui s’expriment dans ce poème nous font entendre l’écho de ce qu’on a appelé « le spleen baudelérien ». Ce n’est pas une poésie semblable à celle de Baudelaire. C’est par ces moyens qu’il exprime à sa manière une énorme détresse qui s’explique par une vie malheureuse.

 

Du même auteur Laforgue, Spleen Laforgue, Le Sanglot de la Terre, La Cigarette

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