Jean de La Fontaine

La Fontaine, Fables, L’Ours et les deux compagnons

Fable étudié

Deux compagnons, pressés d’argent,
A leur voisin fourreur vendirent
La peau d’un ours encore vivant,
Mais qu’ils tueraient bientôt, du moins à ce qu’ils dirent.
C’était le roi des ours, au compte de ces gens.
Le marchand à sa peau devait faire fortune ;
Elle garantirait des froids les plus cuisants :
On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu’une.
Dindenaut prisait moins ses moutons qu’eux leur ours :
Leur, à leur compte, et non à celui de la bête.
S’offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,
Ils conviennent de prix, et se mettent en quête,
Trouvent l’ours qui s’avance et vient vers eux au trot.
Voilà mes gens frappés comme d’un coup de foudre.
Le marché ne tint pas, il fallut le résoudre :
D’intérêts contre l’ours on n’en dit pas un mot.
L’un des deux compagnons grimpe au faîte d’un arbre ;
L’autre, plus froid que n’est un marbre,
Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent ;
Ayant quelque part ouï dire
Que l’ours s’acharne peu souvent
Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire.
Seigneur ours, comme un sot, donna dans ce panneau.
Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie ;
Et, de peur de supercherie,
Le tourne, le retourne, approche son museau,
Flaire aux passages de l’haleine.
« C’est, dit-il, un cadavre ; ôtons-nous, car il sent. »
A ces mots, l’ours s’en va dans la forêt prochaine.
L’un de nos deux marchands de son arbre descend,
Court à son compagnon, lui dit que c’est merveille
Qu’il n’ait eu seulement que la peur pour tout mal.
« Eh bien ! ajouta-t-il, la peau de l’animal ?
Mais que t’a-t-il dit à l’oreille ?
Car il s’approchait de bien près,
Te retournant avec sa serre.
– Il m’a dit qu’il ne faut jamais
Vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre. »

La Fontaine, Fables

Introduction

Jean de La Fontaine, auteur du XIIème siècle, le grand siècle, fait partie de l’école littéraire du classicisme. C’est un grand moraliste qui a écrit tout au long de sa vie des centaines de fables dans le but d’instruire l’homme par l’imaginaire.

Dans cette fable « L’Ours et les deux Compagnons » tirée du recueil « Fables » il raconte l’histoire de deux hommes voulant à tout prix se faire de l’argent.

I. L’apologue

J’observe : – Les verbes sont conjugués au passé.
J’analyse : C’est un récit.

J’observe : – Texte écrit en vers de longueurs différentes et en rimes croisées.
J’analyse : C’est un apologue.

J’observe : – « Seigneurs Ours ».
J’analyse : Le personnage principal est un ours qui est personnifié de façon élogieuse, l’auteur fait appel à l’imaginaire du lecteur.

J’observe : – « pressés », « bientôt », « au plus tard dans deux jours ».
J’analyse : Indicateurs de temps du récit, rendent le dialogue vivant.

J’observe : – « il ne faut jamais vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre ».
J’analyse : Il s’agit d’une morale implicite, d’un topos. Cela signifie qu’il ne faut pas être trop pressé et qu’il faut réfléchir avant d’agir. Par le biais de cette morale l’auteur veut faire résonner, réfléchir et instruire les gens.

II. Symbolique de l’animal

J’observe : – « roi des Ours », « seigneur Ours ».
J’analyse : Personnification élogieuse de l’ours, il est fort, il a du pouvoir, c’est le personnage principal (majuscule).

J’observe : – « on en pourrait fourrer plutôt deux robes qu’une ».
J’analyse : Il est grand et représente un grand intérêt.

J’observe : – « l’ours s’acharne ».
J’analyse : Montre la cruauté de l’ours.

J’observe : – « seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau ».
J’analyse : Il est naïf.

J’observe : – « de peur de supercherie ».
J’analyse : Il est prudent.

J’observe : – « l’Ours s’en va dans la forêt prochaine ».
J’analyse : Dégoût.

J’observe : – « il m’a dit qu’il ne faut jamais vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre ».
J’analyse : Il parle, il réfléchit, il est philosophe : il représente la raison et symbolise l’auteur.

J’observe : – Vers 14 : « voilà mes gens frappés comme d’un coup de foudre ».
J’analyse : Comparaison : grandeur.

III. Les hommes

J’observe : – « deux compagnons ».
J’analyse : On ne les dissociera pas dans le texte, ils sont liés, ils ne font qu’un.

J’observe : – Le titre : « L’Ours et les deux Compagnons ».
J’analyse : Ils ne sont pas les personnages principaux, ils sont en seconde position.

J’observe : – « l’un de nos marchands », « l’autre ».
J’analyse : On ne sait rien d’eux, ils ne sont même pas nommés, cela donne un aspect de généralité. Et on ne pouvait pas critiquer les gens en les nommant à cause de la censure.

J’observe : – « pressés d’argent », « la peau d’un ours encore vivant ».
J’analyse : Ils sont avides et cupides, ils veulent gagner de l’argent salement.

J’observe : – « plus froid qu’un marbre », « fait le mort, tient le vent ».
⇒  J’analyse : Ils sont peureux.

J’observe : – « mais que t’a-t-il dit à l’oreille ? »
⇒  J’analyse : Ils sont trop curieux et manquent de prudence.

Conclusion

Ce texte mêle le merveilleux et l’imaginaire dans le récit en donnant le rôle principal à un animal, mais cette histoire imaginaire permet à travers la morale de décrire la réalité : ici, la cupidité des hommes.

Du même auteur La Fontaine, Fables, Le pouvoir des Fables, Seconde partie La Fontaine, Fables, Le Coq et la Mouche La Fontaine, Fables, Le Rat et l'Huître La Fontaine, Fables, Les grenouilles qui demandent un Roi La Fontaine, Fables, Le Rat qui s'est retiré du monde La Fontaine, Fables, La tortue et les deux canards La Fontaine, Fables, L'huître et les Plaideurs La Fontaine, Fables, La Besace La Fontaine, Fables, Le pouvoir des Fables, Première partie La Fontaine, Fables, Les deux Pigeons

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