Blaise Cendrars

Cendrars, Du Monde Entier, La prose du transsibèrien et de la petite Jeanne de France

Texte étudié

En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais
Déjà plus de mon enfance
J’étais à seize mille lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois
Clochers et des sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille
et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
que mon coeur, tour à tour, brûlait
comme le temple d’Éphèse ou comme la Place Rouge
de Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j’étais déjà si mauvais poète
que je ne savais pas aller jusqu’au bout.

Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare
croustillé d’or, avec les grandes amandes
des cathédrales toutes blanches
et l’or mielleux des cloches…
Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode
J’avais soif et je déchiffrais des caractères cunéiformes
Puis, tout à coup, les pigeons du Saint Esprit
s’envolaient sur la place
et mes mains s’envolaient aussi, avec des bruissements d’albatros
et ceci, c’était les dernières réminiscences du dernier jour
du tout dernier voyage
Et de la mer.

Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France

Introduction

Blaise Cendrars, de son vrai nom Frédérique Sauser est un auteur suisse du XXème siècle faisant partie de l’école littéraire du surréalisme. Cet auteur a passé sa vie à voyager dans des conditions extrêmes, entre autre pour fuir quelque chose, allant jusqu’au bout de lui-même. Il mourra d’ailleurs dans la misère la plus absolue.

En 1913 il publie le recueil « Du monde entier » où il regroupe des poèmes descriptifs de ses voyages.

L’extrait que nous allons étudier est tiré de ce recueil et s’intitule « Prose du Transsibérien ». Il y raconte le souvenir de voyage qu’il fit à 16 ans lors d’une fugue. Ce poème, descriptif de son voyage à Moscou, est en vers libres.

Nous allons étudier ce texte selon deux axes de lecture, le voyage et le poète.

I. Le voyage

J’observe : – Le titre « Transsibérien ».
? J’analyse : Il y a déjà une idée de voyage, le transsibérien est un train, et fait également référence à la région de Sibérie.

J’observe : – « Moscou, ville, garde, place, tour, le Kremlin… ».
? J’analyse : Indications de lieu.

J’observe : – Le mot « voyage » et le champ lexical du voyage : « voies, lieu, s’envolaient, mer, voyage… ».
? J’analyse : L’idée de voyage est donc clairement retranscrite.

J’observe : – « naissance », « adolescence », « tout dernier voyage » (périphrase).
? J’analyse : Il s’agit donc ici d’un voyage dans le temps, qui s’étale sur toute une vie.

J’observe : – Vers 12, 13, 14 et 15 : « Le Kremlin […] cloches… », on compare les cathédrales à des amandes = métaphore filée qui a pour thème la nourriture : « gâteau, croustillé… ».
? J’analyse : Description très précise des lieux.

J’observe : – Vers 5 : « je n’en avais jamais assez ».
? J’analyse : Figure d’insistance.

J’observe : – Vers 7 : « comme… ».
? J’analyse : Comparaison.

J’observe : – Vers 20 : « l’albatros ».
? J’analyse : Allégorie du voyage car l’albatros est un oiseau qui accompagne les marins (cf. « L’Albatros » de Baudelaire).

J’observe : – « brûle » (vers 7), « le soleil » (vers 8), « éclairait » (vers 9), « or » (vers 13), « blanche » (vers 14), « mer » (vers 23).
? J’analyse : Idée de luminosité, c’est un voyage lié à la lumière.

J’observe : – Vers 20 : « s’envolaient ».
? J’analyse : Le voyage est lié à la fugue, pour lui l’exil est la liberté

II. Le poète

J’observe : – « je », « mon », anaphore en « j’étais ».
? J’analyse : Focalisation interne.

J’observe : – Les verbes sont au passé : « réminiscence » (vers 21), « en ce temps là » (vers 1).
? J’analyse : Il s’agit donc d’une rétrospection, d’un poème autobiographique.

J’observe : – Le vers 2 « j’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance ».
? J’analyse : Il insiste sur le fait qu’il a été très vite adulte et que son enfance ne l’intéressait pas, il recherchait autre chose.

J’observe : – Anaphore en « si » et métaphore du feu « brûlait, ardente ».
? J’analyse : Il vit ce voyage intensément.

J’observe : – Vers 10 : « et j’étais déjà si mauvais poète ».
? J’analyse : Manque de confiance en lui et besoin de recul pour parler de son voyage.

J’observe : – Vers 17 : « j’avais soif » ; vers 5 : « je n’avais pas assez » ; vers 18 : « je déchiffrais ».
? J’analyse : Il cherche à s’instruire, il a soif de découvertes.

J’observe : – Du vers 4 au vers 9 : description méliorative de Moscou.
? J’analyse : Il est admiratif.

J’observe : – Vers 21 : « c’était les dernières réminiscences du dernier jour » et anaphore en dernière.
? J’analyse : Il est mélancolique.

J’observe : – Vers 20 : « mes mains s’envolaient ».
? J’analyse : Symbolise la liberté, la liberté d’écriture et le surréalisme.

J’observe : – « cathédrale, clocher, temple, moine, Saint Esprit, tout dernier voyage ».
? J’analyse : Symbolise la religion.

Conclusion

L’auteur dans ce poème autobiographique montre les joies que peuvent apporter l’exil. Pour lui c’est dans l’exil qu’il trouve la liberté contrairement à bon nombre d’auteurs dont Victor Hugo, qui disait : « quand la liberté rentrera, je rentrerai ».

 

Du même auteur Cendrars, Les Pâques à New York, Seigneur, rien n'a changé... Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, J'ai toujours été en route... Cendrars, L'Or, Étude d'un extrait

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