Une vérité scientifique peut-elle être approximative ?

Selon Platon, c’est la vérité qui a guidé l’Homme hors de la caverne. Elle est d’ailleurs la finalité et la quête de toute philosophie. Elle est aussi difficile à atteindre qu’il y a « autant de vérités que d’Hommes ». Une vérité scientifique, par contre, est moins soumise à la polémique : ses concepts sont vérifiés, éprouvés et réplicables. Ainsi, une question se pose : « une vérité scientifique peut-elle être approximative ? ». Car la Science n’est pas le seul vecteur qui puisse se prétendre à la vérité, et même si le scientifique s’obsède à se fermer dans son propre système, cela n’exclut pas le fait que d’autres vérités existent. Une vérité scientifique est-elle en mesure de s’ériger en dessus de toutes les autres formes de connaissance ? La difficulté de la problématique repose sur les nuances entre réalité et perception, entre vérité et croyance. De ce fait, afin d’y apporter des éléments de réponse, nous allons expliquer dans un premier temps pourquoi une vérité scientifique est source de certitude. Puis, nous allons aborder les dangers d’une vérité scientifique. Enfin, nous conclurons avec la réalité de la dogmatisation dans le processus de connaissance.

I. Une vérité scientifique est synonyme de certitude

Par définition, une vérité scientifique résulte d’un long processus d’analyse, d’expérimentations et de déductions. Le résultat ne laisse place ni au doute ni aux préjugés, puisque chaque hypothèse se doit d’être mise à l’épreuve et vérifiée avant que les conclusions des recherches ne soient acceptées par la communauté. Descartes avançait qu’ailleurs que « pour parvenir à la vérité, il faut récuser toutes les opinions qui ne sont pas indubitables ». Son raisonnement induit deux conclusions. D’une part, une vérité scientifique est source de certitude dans le sens où elle est difficilement remise en question. D’autre part, elle nécessite une dose de courage à plus forte raison qu’elle a tendance à remettre en cause nos croyances, traditions orales et les fondements de nos imaginaires collectives.

Dans la sphère philosophique, ce qui a d’ailleurs inspiré la science dans son acception moderne, la pensée est le propre de l’Homme. Selon la méthode de Descartes, le doute est le premier stade par lequel il faut procéder si on veut atteindre la vérité, telle qu’elle est conforme à la raison. Or, le but n’est pas de douter indéfiniment, mais de parvenir à une connaissance indubitable. La raison a besoin de certitudes, c’est ainsi que la vérité scientifique sert de point d’ancrage pour la pensée qui s’exerce. Selon Jules Lagneau, « la certitude est l’état d’esprit qui adhère fermement à ce qu’il juge vrai ». En tant que première source de certitude, le « Cogito » a le potentiel de devenir le fondement de toute procédure scientifique. Dans cette optique, la vérité scientifique ordonne et hiérarchise les connaissances de l’homme. Elle lui évite les erreurs liées à la précipitation.

En d’autres termes, une vérité scientifique affranchit l’Homme de ses doutes et incertitudes. Cependant, Connaitre la vérité signifie-t-il également l’accepter ?

II. La vérité scientifique possède des concurrents

Certes, la vérité libère l’Homme ; toutefois, une vérité scientifique peine à se faire reconnaitre par tout le monde, sans toutefois ôter son statut de science, porteur de vérité. Premièrement, l’Histoire démontre que les hommes ont tendance à préférer l’illusion à la vérité. D’ailleurs, l’expression « l’histoire écrite par les vainqueurs » démontre que nous choisissons généralement de croire une vérité plus facile à accepter, c’est-à-dire plus cohérente avec nos valeurs. Une vérité scientifique rompt avec ce mode de fonctionnement : elle déstabilise nos croyances profondes enracinées. C’est pourquoi Nietzsche disait dans Le gai savoir : « Lorsque vivre et connaitre semblaient se contredire, il n’y avait jamais lutte sérieuse ; douter, nier passaient pour folie ». Elle nous oblige à affronter la réalité avec lucidité et nous induit parfois dans la souffrance. Or, Selon Freud, l’Homme est plus enclin à préférer l’illusion puisque celle-ci est plus confortable. C’est aussi la raison pour laquelle les hommes reposent leur confiance sur la religion.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier les limites de la raison. Il est humainement impossible de parvenir à une vérité absolue. Cela se manifeste à la fois à travers les paradoxes internes dans les mathématiques et la logique, et dans le changement des phénomènes qui ne peuvent être soumis à des lois scientifiques immuables. Concernant ces paradoxes, qui accusent les failles de la science, Hans Reichenbach disait dans l’Introduction à la logistique : « Les paradoxes sont des contradictions que l’ancienne logique ne peut exclure ; si nous voulons les éliminer nous aurons donc à introduire de nouvelles règles qui excluent la formation de concepts paradoxaux ». Le raisonnement échoue alors à couvrir chaque facette d’une problématique. Si les fruits de la réflexion ne peuvent établir une vérité scientifique inébranlable, nous pouvons avancer qu’une vérité scientifique est partielle, donc approximative.

Étant donné le caractère approximatif, porteur de souffrance et potentiellement destructeur d’une vérité scientifique, cette dernière pose-t-elle un réel danger pour l’Homme ?

III. Lorsqu’une vérité scientifique se transforme en dogme…

D’une part, l’Homme a besoin de certitudes pour le soutenir dans ses démarches de raisonnement, mais surtout pour avoir des repères dans la vie pratique. D’autre part, il éprouve des difficultés à imaginer des alternatives face à des vérités scientifiques. Or, remettre en cause ses croyances le fait souffrir. Une vérité scientifique n’est-elle pas destructrice pour l’Homme, au final ? L’absolutisme pour une vérité, y compris la vérité scientifique, dépend donc pour l’homme du degré de croyance qu’il y attribue, peut-être partielle, peut-être totale. C’est ainsi que Kierkegaard disait : « La vérité consiste précisément dans ce coup d’audace qui choisit l’incertitude objective avec la passion de l’infini ». Pour la science en particulier, elle est approximative, et il relève même de sa nature d’être approximative. Toutefois, nombreuses sont les personnes qui l’érigent en dogmes, notamment par nécessité de survie.

Une vérité ne devient vérité scientifique que lorsqu’elle est remise en question, puis éprouvée. Cependant, les Hommes ont tendance à refuser l’idée même de réfuter une vérité scientifique. Cette mentalité ouvre la porte à l’intolérance et au refus de l’erreur. Or, c’est par l’erreur que nous apprenons. Par exemple, la majorité des inventions qui ont révolutionné notre quotidien résulte des Trial and error qui consistent à perfectionner son invention en contournant ou solutionnant les lacunes. De plus, une vérité scientifique est provisoire. Elle nous prévient aussi du danger de la transformer en dogme. De plus, ce n’est pas sur les résultats de recherche que nous devrions focaliser notre attention, mais au processus de réflexion.

Une vérité scientifique découle d’un long processus de réflexion, ponctué par de nombreuses expérimentations et vérifications. Elle devient porteuse de certitudes. Néanmoins, elle entre souvent en conflit avec nos traditions. Elle demande du courage et de la volonté pour l’accepter. Or, en tant qu’être insatisfait, l’homme a pour habitude de remettre toute chose en question, y compris une vérité scientifique, nous pouvons déduire que cette dernière revêt un caractère provisoire. Sachant que même la vérité scientifique est susceptible de modification et de rectification dans le temps et selon les nouvelles hypothèses, on constate pourtant que seuls les cercles intellectuels de réflexion se soucient de cette problématique. La vérité est-elle compréhensible que pour une minorité ?

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