Victor Hugo

Hugo, Les voix intérieures, Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir

Texte étudié

Quels sont ces bruits sourds ?
Écoutez vers l’onde
Cette voix profonde
Qui pleure toujours
Et qui toujours gronde,
Quoiqu’un son plus clair
Parfois l’interrompe… –
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe.

Comme il pleut ce soir !
N’est-ce pas, mon hôte ?
Là-bas, à la côte,
Le ciel est bien noir,
La mer est bien haute !
On dirait l’hiver ;
Parfois on s’y trompe… –
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe.

Oh ! marins perdus !
Au loin, dans cette ombre
Sur la nef qui sombre,
Que de bras tendus
Vers la terre sombre !
Pas d’ancre de fer
Que le flot ne rompe. –
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe.

Nochers imprudents !
Le vent dans la voile
Déchire la toile
Comme avec les dents !
Là-haut pas d’étoile !
L’un lutte avec l’air,
L’autre est à la pompe. –
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe.

C’est toi, c’est ton feu
Que le nocher rêve,
Quand le flot s’élève,
Chandelier que Dieu
Pose sur la grève,
Phare au rouge éclair
Que la brume estompe ! –
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe.

Hugo, Les voix intérieures

Introduction

Victor Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon, mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain poète, homme politique, académicien et intellectuel français du XIXe siècle. Il est considéré comme le plus important des écrivains romantiques de langue française.

Son œuvre est très diverse : romans, poésie lyrique, drames en vers et en prose, discours politiques à la Chambre des Pairs, correspondance abondante. Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir, est tiré du recueil « Les voix intérieures », paru en 1837. Le poète se plaît à peindre un paysage marin un soir de tempête. Il semblerait que ce soit la tempête à laquelle il assista en juin 1836. Les flots y sont déchaînés et menaçant.

I. Fureur marine

Un paysage marin tempétueux, rien n’y est calme, ni volupté : « tout est luxe, calme et volupté ».
Les éléments se déchaînent jusqu’à plonger le monde nocturne dans un chaos : champ lexical de l’obscurité : « soir », « noir », « ombre », « sombre ».
Tous les éléments sont déchaînés par l’eau « gronde », le ciel n’est que « brume », la terre est « sombre » : l’univers est donc bouleversé.
L’homme subit aussi ce déchaînement naturel : « les rochers », terme peu courant pour désigner les marins, sont privés de tout pouvoir d’action : leurs « bras tendus » évoquent la posture de suppliant.
Acte dérisoire face à une nature en furie, seul dieu peut encore leur porter secours : « Dieu Pose sur la grève ».
Hugo rompt avec les codes de versification classique pour exprimer au mieux la tempête qui se déchaîne.
Ainsi il préfère l’alexandrin solennel et les vers brefs pentasyllabiques qui font entendre un souffle court et haché.
Enfin les répétitions adverbiales dues à un parallélisme aux vers 13 et 14, ainsi que le refrain du poème exhibent une parole démunie face à l’inouï.
Cependant la voix poétique n’entend pas se laisser submerger par la furie des flots et résonne dans le poème sur le mode épique.

II. Le souffle épique

Le paysage soumis à la tempête ressemble à un champ de bataille, où tout n’est que dévastation.
Pour peindre le déchaînement naturel, Hugo donne au pays des allures gigantesques. Tout est verticalité et immensité.
L’indice spatial « au loin » ainsi que l’intensif « bien » soulignent le caractère démesuré de la tempête qui balaie le monde de ses entrailles.
Les verbes du textes dessinent un mouvement vertical « flot », pour peindre un paysage aux dimensions infinies et démesurément agrandies.
Cependant dans cette immensité marine, un combat est livré.
Deux forces s’affrontent dans une lutte à mort.
D’un côté les éléments personnifiés accèdent au statut de montre « le vent dans la voile / déchire la toile / comme avec les dents », affamés et voraces ; de l’autre côté les hommes « perdus » luttent avec l’énergie du désespoir.
Le paysage est ses hommes accèdent donc à une dimension quasi-mythique.
Ils rappellent les paysages et les héros apocalyptiques, quand les trompettes résonnent pour annoncer la fin du monde.
Si la fin de l’univers semble proche, la fin de la poésie ne l’est pas. Le poète est ce Titan qui défit les éléments pour mieux les dominer.
A l’image des grands récits de combats, le poème campagne un vaste champ de bataille que la tempête ravage.

Conclusion

Tout n’est que fureur, souffle et chaos dans ce poème hugolien. A l’image d’un paysage en furie, Hugo parvient à mettre en place une poésie démontée, où le souffle épique concurrence le souffle des flots et le râle des marins.

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