Guy de Maupassant

Maupassant, Une partie de campagne, Passage de la Balançoire

Texte étudié

Mlle Dufour essayait de se balancer debout, toute seule, sans parvenir à se donner un élan suffisant. C’était une belle fille de dix-huit à vingt ans ; une de ces femmes dont la rencontre dans la rue vous fouette d’un désir subit, et vous laisse jusqu’à la nuit une inquiétude vague et un soulèvement des sens. Grande, mince de taille et large des hanches, elle avait la peau très brune, les yeux très grands, les cheveux très noirs. Sa robe dessinait nettement les plénitudes fermes de sa chair qu’accentuaient encore les efforts des reins qu’elle faisait pour s’enlever. Ses bras tendus tenaient les cordes au-dessus de sa tête, de sorte que sa poitrine se dressait, sans une secousse, à chaque impulsion qu’elle donnait. Son chapeau, emporté par un coup de vent, était tombé derrière elle ; et l’escarpolette peu à peu se lançait, montrant à chaque retour ses jambes fines jusqu’au genou, et jetant à la figure des deux hommes, qui la regardaient en riant, l’air de ses jupes, plus capiteux que les vapeurs du vin.

Assise sur l’autre balançoire, Mme Dufour gémissait d’une façon monotone et continue : « Cyprien, viens me pousser ; viens donc me pousser, Cyprien ! » A la fin, il y alla et, ayant retroussé les manches de sa chemise, comme avant d’entreprendre un travail, il mit sa femme en mouvement avec une peine infinie.
Cramponnée aux cordes, elle tenait ses jambes droites pour ne point rencontrer le sol, et elle jouissait d’être étourdie par le va-et-vient de la machine. Ses formes, secouées, tremblotaient continuellement comme de la gelée sur un plat. Mais, comme les élans grandissaient, elle fut prise de vertige et de peur. A chaque descente, elle poussait un cri perçant qui faisait accourir tous les gamins du pays ; et, là-bas, devant elle, au-dessus de la haie du jardin, elle apercevait vaguement une garniture de têtes polissonnes que des rires faisaient grimacer diversement.

Maupassant, Une partie de campagne

Introduction

Guy de Maupassant (5 août 1850 – 6 juillet 1893) était un écrivain français, auteur de romans et de contes. Maupassant est un admirateur et ami de Gustave Flaubert. Il publia sa première nouvelle, Boule-de-Suif, dans le manifeste du naturalisme des Soirées de Médan, organisées par Zola en 1880.

Cette nouvelle permit à Maupassant d’être lancé dans l’écriture, et d’obtenir un certain succès. Il est l’auteur de contes et de nouvelles naturalistes, ses thèmes de prédilection étant la vie des paysans normands, de petits-bourgeois, narrant des aventures amoureuses ou les hallucinations de la folie : La Maison Tellier (1881), les Contes de la bécasse (1883), Le Horla (1887).

Il publia également des romans : Une vie (1883), Bel-Ami (1885), Une partie de campagne.

I. L’art du portrait des différents membres de la famille

A. Une approche sensuelle d’Henriette

Pendant sa description on parle d’elle à la troisième personne : c’est la vision d’un observateur externe : description du physique de la jeune fille empreinte d’un désir masculin : « belle fille de dix-huit à vingt ans », « désir subit », « soulèvement des sens ».
C’est un corps non accessible qui éveille le désir masculin clairement exprimé : « peau », « reins », « poitrine », ce qui renforce la sensualité d’Henriette.
Emploi de superlatifs absolus : « très grande », « très brune », « très noire » (rythme ternaire) : vision globale d’un tableau idéal d’une femme désirée.

B. Opposition très présente entre la mère et la fille

La symétrie des deux descriptions accentue la différence entre la mère et la fille.
Les deux paragraphes sont construits de façon parallèle : nous voyons que Mme Dufour a les bras « cramponnée » à la balançoire, alors que sa fille a les « bras tendus ». Henriette a une attitude décontractée sur la balançoire contrairement à sa mère.
Mme Dufour est poussée : « A la fin (…) une peine infinie » alors qu’Henriette se débrouille seule : « Melle Dufour (…) seule ». Ce passage nous exprime la solitude d’Henriette destinée à un mari qu’elle n’aime pas.
Sa mère pousse des « gémissement », alors qu’elle reste « muette ». Mme Dufour est hystérique dans ses attitudes : « elle jouissait d’être étourdie ».
Sa mère est décrite comme un personnage grotesque, alors qu’Henriette est décrite comme naturelle. Maupassant fait une description élogieuse d’Henriette, alors que sa mère est dégradée tout au long du passage. Dès le début elle est comparée à un sac à patates (« comme un énorme paquet »), elle n’a rien de gracieux, contrairement à sa fille.

II. Critique de Maupassant

Maupassant s’inscrit dans une continuité de dénonciation du monde de la bourgeoisie (après Flaubert).
On voit que c’est une sortie dominicale pour la petite bourgeoisie. Il y a une mise en place d’une critique du citadin parisien à la campagne. En effet ils sont envahissants, sans savoir-vivre, ce qui se reflète dans l’attitude de Mme Dufour : « Mme Dufour gémissait ».
Melle Henriette refait le même schéma que ses parents, elle se marie avec un jeune niais.
Nous voyons que le mari, M. Dufour, est faible. Il obéit à sa femme au caractère excentrique : « Cyprien (…) peine infinie ».
Dans le passage nous pouvons y voir une connotation sensuelle avec le va et vient de la balançoire et « jouissait », « cri », « étourdie ».
Nous remarquons que la seule personne qui parle au discours direct dans ce passage est Mme Dufour, ce qui met en relief son caractère imposant et dominant.
Il n’y a aucune sensualité dans le couple des Dufour, et nous le voyons dans le passage précédent quand Mr Dufour descend sa femme : « la déposa lourdement à terre, comme un énorme paquet ».
Et sa fille est vouée à la même vie, mariée avec un homme sans aucune sensualité.

Conclusion

Nous pouvons conclure en disant que Maupassant réussit à nous montrer son art du portrait : il nous décrit Henriette comme une fille sensuelle, et sa mère comme une personne hystérique et grotesque. Il nous fait aussi une critique de la bourgeoisie, en exagérant les traits de caractère et les attitudes.

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