Voltaire

Voltaire, Le Monde comme il va, Critique de la guerre

Texte étudié

Le lendemain, sur un bruit qui se répandit que la paix allait être conclue, le général persan et le général indien s’empressèrent de donner bataille ; elle fut sanglante. Babouc en vit toutes les fautes et toutes les abominations ; il fut témoin des manœuvres des principaux satrapes, qui firent ce qu’ils purent pour faire battre leur chef. Il vit des officiers tués par leurs propres troupes; il vit des soldats qui chevaient d’égorger leurs camarades expirants, pour leur arracher quelques lambeaux sanglants, déchirés et couverts de fange. Il entra dans les hôpitaux où l’on transportait les blessés, dont la plupart expiraient par la négligence inhumaine de ceux mêmes que le roi de Perse payait chèrement pour les secourir. Sont-ce là des hommes, s’écria Babouc, ou des bêtes féroces ? Ah ! je vois bien que Persépolis sera détruite. »

Occupé de cette pensée, il passa dans le camp des Indiens ; il y fut aussi bien reçu que dans celui des Perses, selon ce qui lui avait été prédit ; mais il y vit tous les mêmes excès qui l’avaient saisi d’horreur. Oh, oh ! dit-il en lui-même, si l’ange Ituriel veut exterminer les Persans, il faut donc que l’ange des Indes détruise aussi les Indiens. S’étant ensuite informé plus en détail de ce qui s’était passé dans l’une et l’autre armée, il apprit des actions de générosité, de grandeur d’âme, d’humanité, qui l’étonnèrent et le ravirent. Inexplicables humains, s’écria-t-il, comment pouvez-vous réunir tant de bassesse et de grandeur, tant de vertus et de crimes ?

Voltaire, Le Monde comme il va

Introduction

Les philosophes des Lumières ont marqué le domaine des idées et de la littérature par leurs remises en question fondées sur la « raison éclairée » de l’être humain et sur l’idée de liberté. Voltaire, qui est l’un d’entre eux, exprime à travers un conte philosophique, « Le Monde comme il va« , ses idées nouvelles sur la politique et l’importance de la vertu. C’est à travers le regard étranger de Babouc que Voltaire se livre à cette critique. Babouc est envoyé par l’ange Ituriel afin de savoir si Persépolis sera détruite. Ici, Voltaire fait la critique de la guerre à travers le regard étranger de Babouc. Dans un premier temps nous étudierons le regard de Babouc et dans un second temps nous verrons la dénonciation de la guerre.

I. Le regard de Babouc

A. Côté Perses

Rôle de témoin : « Babouc en vit toutes les fautes », « il fut le témoin », « vit des officiers », « vit des soldats ».

Il va interroger, il mène l’action : « il entra dans les hôpitaux », « il passa dans le camp des Indiens ».

Phrase au style direct : « sont-ce là des hommes, s’écria Babouc, ou des bêtes féroces ? Ah ! Je vois bien que Persépolis sera détruite », ce qui rend les choses vivantes. Interjections : « Ah ! », indigné : « s’écria » : il compare les hommes à des « bêtes féroces » car ils sont horribles.

Futur de certitude : « Persépolis sera détruite » et conclusion de Babouc.

B. Côté Indien

Il est troublé par ce qu’il voit : « saisi d’horreur ».

« Il y vit tous les mêmes excès qui l’avait saisi d’horreur » : même résultat d’horreur que chez les Persans.

Nouvelle conclusion, phrase au style direct : « si l’ange Ituriel veut exterminer les Persans, il faut donc que l’ange des Indes détruise aussi les Indiens » ? Il faut détruire les deux.

« Oh ! Oh ! » : interjections = étonnement et indignation.

C. Conclusion

« Il apprit » : il ne les a pas vu.

« action » : mot extrêmement vague en contraste avec les dénonciations précédentes.

« générosité, grandeur d’âme, d’humanité » : on ne sait pas en quoi cela consiste.
« l’étonnèrent et le ravirent » : réaction surprenante de Babouc car contraste avec le reste.

Antithèse : « Bassesse » et « grandeur d’âme » plus « vertu » et « crimes » : souligne et caractérise l’homme qui est bon et mauvais à la fois.

II. Dénonciation de la guerre

A. Horreur et absurdité de la guerre

« bruit » : rumeur incertaine.

Relation de cause à effet : « la paix allait être conclue », « s’empressèrent de donner bataille » : il va y avoir la paix donc il faut faire la guerre ? relation absurde car on attend le contraire.

Champ lexical de l’horreur : « égorger », « expirant », « arracher », « sanglants », « déchirés », « couvert de fange », « inhumaine », « faire battre ».

B. Relation entre soldats

« firent ce qu’ils purent pour faire battre leur chef » : ce n’est jamais très clair et même entre eux, c’est la trahison.

« des officiers tués par leurs propres troupes » :
Révolte des soldats contre les officiers qui ordonne des actions suicidaires.
Pas de confiance entre les officiers et les soldats.

Pillage des soldats : « pour leur arracher quelques lambeaux ».

Hiérarchie : satrapes ; officiers ; soldats ? ils sont tous des traîtres.

« négligence inhumaine de ceux mêmes que le roi de Perse payait chèrement pour les secourir » : les médecins sont eux aussi coupables.

Conclusion

A travers l’analyse on se rend compte que si Voltaire a utilisé le conte philosophique c’est pour faire l’état du bien et du mal au 18ème siècle, et ici plus particulièrement de la guerre. Le regard étranger de Babouc permet lui de faire passer plus facilement le message et de déjouer la censure. Dans le contexte de la guerre de sept ans, de nombreux philosophes se sont attachés à dénoncer ce sujet comme Damilaville dans l’article « Paix » de l’Encyclopédie.

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