Voltaire, Zadig, Chapitre 3, Le chien et le cheval
Introduction
L’extrait étudié est extrait du troisième chapitre de « Zadig » : Le chien et le cheval. « Zadig » est une œuvre de Voltaire, auteur du 18ème siècle, siècle des Lumières.
Après avoir subi l’infidélité de Sémire et avoir répudié Azora, Zadig se trouve dans la nature qu’il veut étudier. Son esprit d’observation et de déduction lui vaut d’être accusé du vol du cheval du roi et de la chienne de la reine. En effet, il décrit les animaux avec une telle précision qu’on n’hésite pas une seconde à l’envoyer devant le tribunal. Nous nous pencherons ici sur l’esprit critique dont fait part Zadig dans un premier temps puis nous étudierons la satire de la justice.
I. L’esprit critique
A. Esprit critique, raisonnement personnel de l’individu
Fréquence du pronom personnel « je ». Le narrateur insiste sur le fait que c’est bien lui Zadig, le sujet qui a observé.
B. Esprit critique, fondé sur une observation personnelle des faits de la nature, sur une expérience réelle
Présence de verbes de perception : « vu », « aperçu », « remarqué ».
Les repères spatiaux prouvent que l’observation est minutieuse, rigoureuse : « sur le sable », « sur de petites éminences », « entre les traces », « en un sens différent », « à côté des pattes de devant ». Sur un passage assez court, on voit le soucis de précision de Zadig qui montre que son observation a été rigoureuse.
Une autre preuve qui montre la rigueur de son observation est la précision du vocabulaire employé :
Emprunt d’un terme du vocabulaire de l’imprimerie : « imprimé » qui connote la précision du caractère, la finesse et la netteté.
Champ lexical de la nuance : « petit chien », « sillon léger et long », « petites éminences », « des petits », « il y a peu de jours », « autres traces », « rase la surface », « très longues », « moins creuses », « un peu boiteuse ».
A partir de détails présents dans la nature et grâce à sa perspicacité, Zadig a des conclusion pertinentes. La manière dont il raconte son expérience prouve que son observation a été précise voire minutieuse.
C. Après l’observation des faits réels, le sujet comprend et conclut : déduction par le raisonnement
Verbes du jugement et du raisonnement : « j’ai jugé » qui est renforcé par « aisément », « m’ont fait connaître », « m’ont appris », « j’ai compris ».
Connecteurs marquants les articulations du raisonnement : « et », « et ainsi », « comme ». Cependant, utilisation d’un petit nombre seulement de connecteurs pour permettre la clarté de l’explication.
D. Conclusion
Esprit critique dont Zadig fait preuve : l’esprit critique existe à partir du moment où :
L’individu pense de manière personnelle et autonome ;
Il observe les faits et est fondé sur l’expérience de la nature.
L’individu va conclure à partir des faits observés : c’est l’esprit de déduction.
Démarche intellectuelle chère aux philosophes : absence de tradition, absence de préjugés, l’esprit critique permet d’accéder à la vérité.
Démarche intellectuelle en opposition avec la tradition : La tradition est tout ce qui repose sur les préjugés, les croyances sur les pratiques à qui leur ancienneté a donné force de loi. La tradition pose d’avance la conclusion aux faits qu’elle ne vérifie pas par l’expérience (cf. Fontelle : La dent d’or).
Zadig, étant donné qu’il accède à la vérité par l’esprit critique, représente un danger pour les défenseurs de la tradition (les mages). Il est en danger pour les mages qui entretiennent le peuple dans la crédulité et l’ignorance.
II. La satire de la justice
La satire de la justice repose sur le registre ironique.
A. Le fonctionnement de la justice
Des condamnations excessives : Knout plus condamnation : c’est excessif compte tenu de la supposition de vol. Et l’amende excessive est choisie par le narrateur pour rentre la justice encore plus ridicule.
Une justice expéditive : « à peine » dénote la rapidité du jugement, « ne doutèrent pas » (litote) renvoie à la rapidité ; l’amende très lourde montre que la justice est intéressée et pressée.
Une justice autoritaire : elle ne donne pas la parole à l’accusé. Il n’a la parole qu’une fois avoir été innocenté et payé l’amende. Les verbes « il fallut » et « il fut permis », ainsi que les connecteurs « d’abord » et « après quoi » soulignent les obstacles à la défense de l’accusé. On nous décrit ici une justice absurde, qui est bien sûr une parodie de procès.
Une justice vénale (facilement corruptible, qui se laisse soudoyer) : « beaucoup d’affinité avec l’or », « grand desterham » (trésorier) et l’amende dénoncent le fonctionnement de la justice qui est inéquitable. Zadig ne peut de plus se défendre qu’après avoir payé l’amende. C’est sans doute une dénonciation implicite d’une justice pour les riches.
B. L’ironie du narrateur à travers le plaidoyer de Zadig
Les nombreuses exagérations sont à des fins satiriques :
Le serment de Zadig : c’est une parodie du jugement traditionnel. Il jure qu’il a dit la vérité et non qu’il va la dire.
Les marques du respect de Zadig pour les juges : elles sont si évidentes qu’elles semblent forcées et traduisent l’ironie du narrateur :
Série d’hyperboles pour flatter les juges et les amadouer (mais elles sont ironiques) ;
Les désignations du veneur et de l’eunuque sont très mélioratives à cause du sens des adjectifs et des constructions (par exemple le superlatif) ;
« si je l’ose dire » : formule de courtisan qui se veut respectueuse.
Conclusion
Zadig a été condamné sévèrement seulement pour avoir fait preuve d’esprit critique. Il constitue un danger pour tous ceux qui s’appuient sur la tradition. La satire de la justice dénonce une justice excessive, expéditive, autoritaire, sensible aux flatteries et à l’argent. La critique passe par l’humour et l’ironie.