STENDHAL : LA CHARTREUSE DE PARME : CHAPITRE I : MILAN EN 1976
" Le 15 mai 1796 ... actions héroïques. "
Introduction : La Chartreuse de Parme a été écrit en 1839. C'est un roman ancré dans l'Histoire (Dès l'incipit, l'Histoire est présentée). Mais l'histoire est une toile de fond sur laquelle se détache le destin de Fabrice. Cette toile est plus proche de la légende napoléonienne que l'histoire.
Ce passage est extrait de la première page du roman. Ce n'est pas une page d'histoire, bien que le titre soit " Milan en 1796 ".
Il s'agit de l'entrée des troupes françaises dans Milan (capitale de la Lombardie, région de l'Italie occupée par les Autrichiens depuis 1713) à la suite du général Bonaparte. Le peuple milanais fête leur arrivée. Ils sont accueillis en libérateurs car l'Autriche opprimait les Italiens.
Axe de lecture : On peut voir le changement radical de la société milanaise lors de l'entrée de Bonaparte dans Milan.
Plan du texte :
- I : Lignes 1 à 12 : Réveil du peuple italien grâce à l'arrivée des armées de Napoléon.
- II : Lignes 13 à 24 : Evocation de la vie des Lombards du Moyen Age à l'arrivée de Napoléon.
- III : Lignes 24 à 34 : Transformation des moeurs du peuple.
I - Le réveil des Milanais
Le premier paragraphe a un ton lyrique, épique.
- Lignes 1 à 5 : La première phrase est comme une fanfare. C'est une phrase longue, riche en information qui se déploie. Elle a un caractère hyperbolique.
- Ligne 1 : On a une date : le 15 mai 1796. On apprend que c'est un roman daté situé dans un cadre historique exact.
- Ligne 2 : On a un lieu : Milan.
- Ligne 4 : Bonaparte est auréolé d'un prestige extraordinaire. L'expression emphatique le rend digne et comparé à César (qui a conquis la Gaule) et à Alexandre le Grand (qui a conquis un immense empire qui s'étendait de la Grèce à l'Inde en incluant l'Egypte).
- Lignes 5 à 12 :
- Ligne 7 : Bouleversement total de l'opinion des Milanais concernant les français après leur arrivée dans Milan.
Avant : " ramassis de brigands " et plus tard : " bravoure " et " génie ".
De plus, " trois ans " deviennent " quelques mois ". - Lignes 6 et 7 : Allégorie " réveillant son peuple endormi " sous-entend un peuple soumis, esclave, influencé. " 8 jours " montre la rapidité du changement, la soudaineté de la renaissance.
- Lignes 11 et 12 : Les termes désignant le journal sont péjoratifs : " papier sale ", " petit journal ".
Antithèse ironique entre petit et grand. Ironie Stendhalienne qui frôle la tonalité de la satire. " Petit journal grand comme la main " : très petit ce qui veut dire très médiocre. Le journal est donc petit par la taille mais aussi par le contenu.
- Ligne 7 : Bouleversement total de l'opinion des Milanais concernant les français après leur arrivée dans Milan.
II - Evocation de la vie des Lombards au Moyen Age à l'arrivée de Napoléon
Le ton est désormais méprisant, ironique et satirique.
- Ligne 13 : Il y a une nouvelle date : " Le Moyen Age ". Le retour en arrière est marqué par le plus-que-parfait utilisé. On a donc un bouleversement chronologique. Opposition entre le petit peuple actuel des Lombards et leur grandeur dans le passé (Au Moyen Age, évocation de leur grandeur ; alors que maintenant, ils sont soumis, inconsistants).
- Lignes 17 et 18 : Le symbole de cette faiblesse actuelle.
Activité dérisoire : " grande affaire " est en fait une activité futile. Ce peuple est constitué de " fidèles sujets " des empereurs d'Allemagne, esclaves soumis malgré leur bravoure.
Opposition entre " grande affaire " et " petits mouchoirs " : ce sont des moeurs décadantes, efféminées, dissolues, avec des préoccupations futiles et sans intérêt. - Lignes 20 à 24 : Evocation des actions " ridicules " de la société Milanaise et de leurs moeurs étranges. Monde où règnent l'adultère, la tromperie et la luxure : une jeune fille se marie puis 2 ou 3 années plus tard prend un " cavalier servant ".
III - Transformation des moeurs du peuple
- Lignes 24 et 25 : Opposition des " moeurs efféminées " aux " émotions profondes " (jeunes soldats pleins d'enthousiasme qui veulent répandre les idées de la Révolution) au moment de l'arrivée de Napoléon.
- Ligne 26 : Le terme " Bientôt " montre la rapidité de la transformation des évènements.
- Ligne 27 : Redondance de la même idée. " Moeurs passionnées " répond à " émotions profondes ". Résumé de tous les bouleversements apportés par Napoléon, de l'importance de son arrivée.
- Ligne 28 : Reprise de la même date : " Le 15 mai 1796 ", retour à la date de départ : renaissance du peuple.
- Ligne 29 : Prise de conscience des peuples qui découvrent et déprécient le régime politique précédent et les moeurs d'avant, comparés aux idées nouvelles apportées par les troupes de Napoléon qui sont celles de la Révolution Française (liberté, égalité, ...).
Deux adjectifs " ridicule " et " odieux " sont utilisés pour critiquer les aspects de la Cour de Parme et des princes Ranuce-Ernest IV puis V. - Lignes 30 à 34 : Exposer sa vie devient à la mode. C'est une position extrême pour laquelle on est capable de tout sacrifier à un idéal politique.
Le personnage principal sera nourri de cette légende napoléonienne.
Conclusion : Stendhal veut enraciner son roman dans une réalité. Il prend position par rapport à Napoléon. Il rehausse son image et déprécie celle de la monarchie : la gloire est donc différente de la médiocrité. Cette première page annonce les évènements qui vont suivre.