Stendhal

Stendhal, Souvenirs d’égotisme, Incipit

Texte étudié

Pour employer mes loisirs dans cette terre étrangère, j’ai envie d’écrire un petit mémoire de ce qui m’est arrivé pendant mon dernier voyage à Paris, du 21 juin 1821 au… novembre 1830. C’est un espace de neuf ans et demi. Je me gronde moi-même depuis 2 mois, depuis que j’ai digéré la nouvelleté de ma position, pour entreprendre un travail quelconque. Sans travail, le vaisseau de la vie humaine n’a point de lest. J’avoue que le courage d’écrire me manquerait si je n’avais pas l’idée qu’un jour ces feuilles paraîtront imprimées et seront lues par quelque âme que j’aime, par un être tel que Mme Roland ou M. Gros, le géomètre. Mais les yeux qui liront ceci s’ouvrent à peine à la lumière, je suppute que mes futurs lecteurs ont 10 ou 12 ans.
Ai-je tiré tout le parti possible pour mon bonheur des positions où le hasard m’a placé pendant les 9 ans que je viens de passer à Paris ? Quel homme suis-je ? Ai-je bon sens, ai-je du bon sens avec profondeur ?
Ai-je un esprit remarquable ? En vérité, je n’en sais rien. Emu par ce qui m’arrive au jour le jour, je pense rarement à ces questions fondamentales, et alors mes jugements varient comme mon humeur. Mes jugements ne sont que des aperçus.
Voyons si en faisant mon examen de conscience la plume à la main, j’arriverai à quelque chose de positif et qui reste longtemps vrai pour moi. Que penserai-je de ce que je me sens disposé à écrire en le relisant vers 1835, si je vis ? Sera-ce comme pour mes ouvrages imprimés ? J’ai un profond sentiment de tristesse quand, faute d’autres livres, je les relis.
Je sens, depuis un mois que j’y pense, une répugnance réelle à écrire uniquement pour parler de moi, du nombre de mes chemises, de mes accidents d’amour-propre. […]
Le génie poétique est mort, mais le génie du soupçon est venu au monde. Je suis profondément convaincu que le seul antidote qui puisse faire oublier au lecteur les éternels Je de l’auteur va écrire, c’est une parfaite sincérité. Aurai-je le courage de raconter les choses humiliantes sans les sauver des préfaces infinies ? Je l’espère.

Stendhal, Souvenirs d’égotisme

Introduction

Stendhal est surtout connu pour son œuvre « Le rouge et le noir« . Dans ce texte, nous sommes dans l’incipit : il présente le texte, et annonce le plan de son œuvre autobiographique.

I. Le projet

A. Écrire considéré comme un passe-temps, travail

Le texte commence par « pour » : c’est le but, l’objectif de l’écrit, le texte s’ouvre par l’expression du but.

L’autobiographie n’est en effet pas gratuite ; « J’ai envie » montre le plaisir d’écrire.

Le contenu de l’autobiographie n’est pas imaginaire, mais de l’ordre du réel : « de ce qui m’est arrivé ».

Il a envie d’écrire, et va entreprendre un petit travail, le « courage d’écrire » étant justifié par la lecture.

B. Pour qui et dans quel but ? Avec l’idée d’avenir (relation au lecteur comme donnant un sens à l’écriture)

L’autobiographie est destinée à un lecteur.

Elle est « publiée » dans un premier temps, puis « lues » dans un second temps.

L’autobiographie a une valeur didactique, elle n’est pas destinée au présent actuel, mais tournée vers l’avenir.

L’idée d’avenir est forte : « liront », « futur », s’adressent à l’avenir qui a de la durée.

La relation entre l’auteur et son lecteur est soulevée, celle-ci est essentielle : l’autobiographie ne peut pas exister si elle n’a pas de lecteur, il faut qu’elle soit lue.

II. Questions posées par l’écriture

A. Questions fondamentales

Question d’ordre morale : il se pose la question de savoir s’il a suffisamment profité de la chance. Il se met en cause, se pose une question de conscience. L’idée évoquée ici est de ne pas gaspiller, dilapider cet instant présent qui lui est donné de vivre.

L’autobiographie aide l’auteur à se poser la question de l’identité, la valeur expérimentale. « Rien de ce qui reste humain ne m’est étranger » (Lueres) : c’est en cela que l’autobiographie est intéressante pour nous.

Il s’interroge ensuite sur son esprit. L’autobiographie va servir à l’évaluer lui-même, à faire une analyse de sa vie qui va répondre à ces questions fondamentales.

« ému » : mis en mouvement hors de soi ; on ne peut pas répondre à ces questions fondamentales car on n’est pas tout entier dans le moment présent, sortis de nous-mêmes, nous ne pouvons pas nous évaluer.

« fondamentales » : fondement de notre réflexion. L’autobiographie permet à celui qui écrit de réfléchir sur lui-même.

Humeurs variables : pas de stabilité de jugement, où est le jugement profond ? On est dans cette recherche de stabilité que l’autobiographie va permettre par la connaissance de soi.

B. Question du soupçon

Question qui rejoint la question de la sincérité, de la vérité : comment être vrai ? Jusqu’où peut-on être vrai ? Une certaine pudeur de l’écrivain est évoquée par Stendhal : « Aurai-je le courage de raconter les choses humiliantes sans les sauver des préfaces infinies ? » = question de courage, de faire brute, de raconter sans circonstances atténuantes.

III. L’écriture autobiographique

A. Donne un sens à une vie

Stendhal va voir si cet exercice qui est une expérience va aboutir à quelque chose de positif et longtemps. C’est une réflexion qui amène à l’estime de soi. L’écriture autobiographique assure l’unité du personnage.

B. Permet la relecture d’une vie, permet de donner du leste à la vie = approfondir ce qu’on peut vivre, échapper aux tourbillons des événements (enjeu autobiographique)

Vertu de l’autobiographie : celui qui écrit va décider en maître de revivre un événement et de lui redonner du temps qu’il n’avait pas pris au cours de cet événement. L’homme devient alors maître du temps.

Stendhal va lutter par l’autobiographie contre ce risque de superficialité.

? Un des enjeux de l’autobiographie est d’échapper aux tourbillons des événements (mise en retrait, revivre ce qu’on n’a pas eu le temps de réfléchir).

On gagne en profondeur, on réfléchir, et cela permet de juger.

Selon Stendhal, l’autobiographie est un examen de conscience, c’est la conscience de soi qui évalue ses propres actes, on s’évalue soi-même.
La plume autobiographie est l’intermédiaire.

Le problème de l’autobiographie est celui lié à la relecture des écrits. Stendhal parle d’un profond sentiment de tristesse (évoque le passé, la distance). L’écriture quand elle est relue à distance imprime une certaine tristesse due au temps.

Le texte se termine par l’enjeu de l’autobiographie : on voit ici qu’une autobiographie se prépare (médite depuis 1 mois). Le problème de l’autobiographie est la banalité du quotidien, l’enlisement dans l’ordinaire. L’autobiographie va être un travail de jugement pour passer de l’ordinaire à l’extraordinaire.

Enfin, il faut écrire pour soi avant d’écrire pour autrui. Cette écriture va rejoindre l’expérience des autres par son authenticité.

Conclusion

Ce texte est presque émouvant quand on voit comment un auteur confirmé comme Stendhal a du mal à se lancer dans l’écriture/
C’est une ouverture sur une réflexion quotidienne.
Il y a une sorte d’angoisse avant de saisir la plume. On voit l’importance de l’écriture autobiographique : on ne peut pas tricher.
L’auteur narrateur joue sans masque, et il se doit donc de faire preuve d’une grande humilité.

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