Albert Camus

Camus, Lettres à un ami Allemand, Première Lettre

Introduction

Nous allons étudier les « Lettres à un ami allemand », en date de 1945, d’Albert Camus. Nous allons voir la première lettre. « Les lettres » ont été écrites lors de l’occupation. Elles se présentent comme des lettres ouvertes liées pour leur valeur symbolique. L’allemand représente l’ennemi mais c’est un ennemi avec lequel il est possible de communiquer. Le patriotisme, pour le philosophe ne se justifie que s’il est associé à une idée de justice. Nous pouvons affirmer que Camus élabore à travers ses lettres une morale de l’engagement dans le cadre d’un combat. Le texte fut écrit dans un contexte de guerre, il est donc logiquement bâti sur une très forte opposition entre le camp du locuteur et celui des allemands. Cette opposition structure la réflexion. L’auteur s’interroge sur les motivations d’une nation qui s’engage dans une guerre. Camus considère que le respect des valeurs humanistes est la seule cause pour laquelle les hommes devraient se battre. Dans un premier temps, nous étudierons l’opposition essentielle à cette lettre puis, en second lieu, l’idée d’un combat pour l’humanité.

I. L’opposition

1. Les représentants de cette opposition

Nous avons deux personnages, le locuteur et l’allemand mais l’opposition ne se situe pas au niveau de deux individus. En effet, les marques de la première personne du pluriel « nous » et de la deuxième « vous », montrent que l’opposition se situe au niveau de collectivités. Les pronoms personnels « nous » ont tant une fonction de sujet, « nous applaudissons », « nous faisons », que de complément d’objet, « quelle sorte de grandeur nous met en marche ». L’importance de ce pronom dans la lettre est encore accrue par les adjectifs possessifs qui le représentent de « nos grandes vertus », « nos côté ». A l’inverse, le « vous » renvoie à l’allemand et exprime la marque de vouvoiement à son égard = « Je veux vous dire ». Aux lignes suivantes, ce pronom traduit la valeur collective, « nous faisons plus que vous », « vous n’avez rien eu à vaincre dans votre cœur ». Le « vous » n’est qu’une expression d’une individualité, l’allemand, mais d’une collectivité, l’Allemagne. Le nombre considérable d’occurrences des pronoms de la première et de la seconde personne du pluriel traduit l’opposition toujours présente entre les deux camps.

2. Les autres formes de l’opposition

Nous avons une forme d’opposition au niveau des phrases suivantes : « Nous avions deux ennemis » et « Vous n’avez rien eu à vaincre ». Des notions dans le second paragraphe sont antithétiques comme « Vertu », « intelligence » relativement au camp des français ou celles de « barbarie », « d’imagination » relativement au camp des allemands. Les connecteurs logiques accentuent cette opposition dans la phrase « quel est le courage que nous applaudissons et qui n’est pas la vôtre ». La conjonction de coordination « et » a déjà une valeur d’opposition. Des différences sont également mises en avant par les comparatifs des phrases suivantes : « Nous faisions plus que vous », ou encore, « Triompher par les armes ne nous suffisait pas, comme à vous… ». Camus insiste sur l’idée selon laquelle les français, avant de s’engager dans un conflit, ont eu des réticences à se battre. Enfin, nous avons une dernière opposition à la fin du texte, entre les français et les allemands ; Ces derniers sont représentés comme un contre modèles. Nous pouvons lire : « Si je croyais à quelque fatalisme de l’histoire,… correction ». A ce stade de la réflexion, l’auteur met en évidence que les nazis sont barbares, un modèle à ne pas suivre, cela pourrait expliquer l’expression « pour notre correction ».

Mais au delà des différents procédés d’opposition, Camus tente de mettre en valeur son combat pour l’humanité.

II. Un Combat pour l’humanité

1. L’engagement dans le combat

Nous nous situons dans le cadre d’une idéologie nazie que les allemands tentent d’imposer à toute l’Europe. La haine de l’autre est alors intolérance non acceptation des différences. Mais qu’en est-il du combat mené par les Français ? Les autres ? La phrase suivante est significative à cet égard : « C’est beaucoup au contraire que d’avancer vers la torture et vers la mort, quand on sait de science certaine que la haine et la violence sont choses vaines par elles-mêmes ». Il y a une nette contradiction entre l’engagement dans le combat et la conviction que la haine et la violence soient inutiles et vaines. La position de l’auteur se traduit très clairement à travers cette phrase, « C’est beaucoup que de se battre en méprisant la guerre ». La contradiction se trouve renforcée par l’opposition entre « accepter et de tout perdre en gardant », « destruction » et « civilisation ». Nous pourrions affirmer qu’une contradiction apparaît entre un idéal pacifiste et la nécessité d’un combat. La réticence à combattre est certainement implicite à travers l’expression « nous avions deux ennemis ». Le premier étant l’allemand, nous savons à présent que le second est la réticence à combattre, voire l’idéal pacifiste.

2. Remise en question de la nature humaine

Il est en effet question de la nature humaine dans le second paragraphe, « la perpétuelle tentation où nous sommes de vous ressembler ». Il s’agit de démontrer que la barbarie est inhérente à la nature humaine. L’instinct de l’homme nous renvoie l’image d’une barbarie primitive, « Il y a toujours en nous quelque chose qui se laisse aller à l’instinct ». L’homme serait de façon originelle enclin à la cruauté la plus animale. L’oxymore « heureuse barbarie » souligne de façon explicite le danger de se plier à l’idéologie nazie. Il ne faut pas céder « à l’instinct, au mépris de l’intelligence, au culte de l’efficacité », ainsi que le suggère cette énumération ternaire. Rien ne pourra jamais justifier la haine irrationnelle et l’extermination massive d’une race.

Conclusion

Nous comprenons que l’esprit doit triompher de la haine et de la violence. Il nous faut donc comprendre cette lettre comme un message d’espoir, c’est-à-dire, un message à résister et à défendre ses propres valeurs, ses convictions contre celles de l’ennemi. Mais l’idée dominante est celle d’un combat pour l’humanité qui à l’opposé des valeurs primitives et haineuses propose des valeurs fondatrices basées sur l’espoir et le triomphe de l’esprit, dans une civilisation

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