Charles Baudelaire

Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Harmonie du soir

Poème étudié

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige…
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

Baudelaire, Les Fleurs du Mal

Introduction

Ce poème des « Fleurs du Mal » de Charles Baudelaire fait partie du cycle de l’amour : c’est l’avant dernier poème consacré à Mme de Sabatier.
Il est fondé sur l’harmonie, avec un ensemble de 4 quatrains formés d’alexandrins, et de rythmes et sonorités organisés : le pantoum.

Analyse

I. Une forme particulière

1. Le pantoum

Fonctionnement du pantoum : reprise des vers 2 et 4 de la première strophe aux vers 1 et 3 de la strophe suivante, puis ainsi de suite jusqu’à la dernière strophe.
Cette forme est arrivée en France avec Victor Hugo « Les Orientales« , et les Parnassiens ont travaillé sur cette forme (l’art pour l’art, la seule volonté des parnassiens pour le poème).

2. Une forme adaptée

Utilisation de deux rimes seulement en « on », et « ige », ce qui crée, avec la complicité des rimes embrassées, un sentiment d’harmonie et de régularité.

II. Vertige des sens et des sentiments

1. Le vertige

La reprise des mêmes rimes crée un effet lancinant ; au-delà de l’harmonie, le poème devient une sorte de tourbillon d’images et de sensations, ce qui est exprimé par les vers 3 et 4.

2. Les différents sens

La vue : « triste et beau », « luit comme un ».
L’ouïe : « valse », « violon ».
L’odorat : « s’évaporer », « encensoir », « parfum ».

Ces diverses sensations se répondent comme dans « Correspondances » : c’est l’illustration des synesthésies (= correspondances dites horizontales entre les sens).

3. Passage au malaise

Ce vertige, agréable, tourne au malaise. La dualité est toujours présente chez l’auteur : le tournoiement combine plaisir et morale.

III. Le spleen baudelairien

1. Antithèse ombre/lumière

L’ombre apparaît dans le vers 10 : « néant vaste et noir ».
La lumière est associée au passé « passé lumineux » et au souvenir « ton souvenir… luit ».
Pour le poète, inutile de vivre le présent englouti dans les ténèbres.

2. Une dimension religieuse

« Voici venir les temps » est une injonction biblique, prophétique.
« Ostensoir », « reposoir », « encensoir » permettent de donner une dimension religieuse au texte, c’est-à-dire de montrer que le sentiment amoureux a quelque chose de sacré.

Conclusion

Dans ce poème on observe une triple évolution :

• Temporelle, du crépuscule à la nuit ;
• Spatiale, du mouvement à l’immobilité ;
• Affective, avec le passage de la perception agréable à la souffrance, puis au souvenir de la femme aimée.

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