Emile Zola

Zola, Le Roman Expérimental

Texte étudié

Eh bien ! en revenant au roman, nous voyons également que le romancier est fait d’un observateur et d’un expérimentateur. L’observateur chez lui donne les faits tels qu’ils les a observés, pose le point de départ, établit le terrain solide sur lequel vont marcher les personnages et se développer les phénomènes. Puis l’expérimentateur paraît et institue l’expérience, je veux dire fait mouvoir les personnages dans une histoire particulière, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l’exige le déterminisme des phénomènes mis à l’étude. C’est presque toujours ici une expérience « pour voir », comme l’appelle Claude Bernard. Le romancier part à la recherche d’une vérité. Je prendrai comme exemple la figure du baron Hulot dans La Cousine Bette, de Balzac. Le fait général observé par Balzac est le ravage que le tempérament amoureux d’un homme amène chez lui, dans sa famille et dans la société. Dès qu’il a eu choisi son sujet, il est parti des faits observés, puis il a institué son expérience en soumettant Hulot à une série d’épreuves, en le faisant passer par certains milieux, pour montrer le fonctionnement du mécanisme de sa passion. Il est donc évident qu’il n’y a pas seulement là observation, mais qu’il y a aussi expérimentation, puisque Balzac ne s’en tient pas strictement en photographe aux faits recueillis par lui, puisqu’il intervient d’une façon directe pour placer son personnage dans des conditions dont il reste le maître. Le problème est de savoir ce que telle passion, agissant dans tel milieu et dans telles circonstances, produira au point de vue de l’individu et de la société ; et un roman expérimental, La Cousine Bette par exemple, est simplement le procès-verbal de l’expérience, que le romancier répète sous les yeux du public. En somme, toute l’opération consiste à prendre des faits dans la nature, puis à étudier le mécanisme des faits, en agissant sur eux par les modifications des circonstances et des milieux, sans jamais s’écarter des lois de la nature. Au bout, il y a la connaissance de l’homme, la connaissance scientifique, dans son action individuelle et sociale.

Sans doute, nous sommes loin ici des certitudes de la chimie et même de la physiologie. Nous ne connaissons point encore les réactifs qui décomposent les passions et qui permettent de les analyser. Souvent, dans cette étude, je rappellerai ainsi que le roman expérimental est plus jeune que la médecine expérimentale, laquelle pourtant est à peine née. Mais je n’entends pas constater les résultats acquis, je désire simplement exposer clairement une méthode. Si le romancier expérimental marche encore à tâtons dans la plus obscure et la plus complexe des sciences, cela n’empêche pas cette science d’exister. Il est indéniable que le roman naturaliste, tel que nous le comprenons à cette heure, est une expérience véritable que le romancier fait sur l’homme, en s’aidant de l’observation.

Zola, Le Roman expérimental

Introduction

Dès l’origine, Zola explique qu’il a pris le parti du naturalisme, doctrine par laquelle il essaie d’élever la littérature au rang de science exacte. Influencé par les thèses sur l’hérédité exposées par Claude Bernard dans l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Zola présente dans Le roman expérimental (essai) les lignes de force qui sous-tendent son œuvre.

Enjeu du texte : Exposition de la méthode, définition d’une nouvelle démarche pour le romancier pour accéder à une certaine vérité humaine.

I. Définition du romancier expérimental

A. Définition rigoureuse

Structure de l’essai :

Énonce de la thèse (lignes 1/2) ;
Développement argumenté (lignes 2/13) ;
Illustration par un exemple (lignes 14/33) ;
Bilan est conclusion (ligne 33 à la fin).
Accumulation de connecteurs logiques ;
Absence totale de lyrisme (il veut être efficace) ;

On voit ainsi le soucis d’une démonstration claire, précise et technique. Il veut convaincre du bien-fondé de sa thèse.

B. Caractéristiques et objectifs de cette nouvelle méthode

Énonce sa thèse (lignes 1/2) : le romancier est un observateur et un expérimentateur.

Il définit ensuite l’observateur, puis l’expérimentateur.

Déterminisme : l’expérience dirige les faits.
Ligne 6 : succession des faits qui obéissent au déterminisme des phénomènes (il n’y a donc pas de place pour l’imagination, la création ou l’art).

Leitmotive : l’auteur devrait avoir un esprit scientifique.
Vocabulaire scientifique et répétition des mots clés.
Référence à Claude Bernard (montre la démarche scientifique).
La littérature qu’il prône doit amener de nouveaux thèmes que la science validera par la suite (il veut constituer la littérature en science).

Une volonté de décrire la réalité : Zola insiste sur le fait que l’écrivain doit être un photographe des évènements (allusion à la préface de Pierre et Jean). Il doit décrire la réalité sans la déformer par ses opinions personnelles.

Il clôture sa définition avec un objectif : la « recherche de la vérité ».

C. Exemple à valeur d’illustration

Exemple : Le baron Hulot dans la Cousine Bette de Balzac. C’est un hommage au réalisme ; l’exemple est non neutre et montre la reconnaissance envers Balzac.

L’exemple illustre sa thèse :

– Fait observé : « ravage de … » ;
– Expérience : épreuves dans certains milieux (il montre le fonctionnement des mécanismes).

La liberté de Balzac est de placer le personnage dans différents milieux :

Il reste ainsi le maître (lignes 25/26) ;
Mais le déterminisme des phénomènes reste.

II. Une nouvelle méthode expérimentale qui rencontre des limites et des difficultés

« sans doute », « loin des certitudes » : Il envisage quelques limites de cette science nouvelle (il n’y a pas de résultat certain, clair).

Le ton est affirmatif et il n’y a aucun « je » dans le premier paragraphe, mais le second paragraphe est plus personnel, le « je » est plus abondant (la prise de position est plus grande).

Le lexique montre les difficultés de cette nouvelle science : lignes 46/47 : « marche à talons », « la plus obscure et la plus complexe des sciences ».

Zola prédit un long et bel avenir car la science est jeune, elle a encore un long chemin à parcourir. Il est donc très enthousiaste, mais cet enthousiasme est un peu faux, car il n’a pas lui-même pu faire cette démarche.

Conclusion

L’auteur des Rougon-Macquart présente dans cet essai son objectif : utiliser son travail romanesque comme outil d’analyse des actions humaines, assemblant des données qui permettraient ensuite de tenter une correction des hasards de l’hérédité selon une méthode scientifique rigoureuse. Par cet essai et par son œuvre, Zola s’inscrit comme chef de file du courant naturaliste en littérature

 

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