Henri Troyat

Troyat, Le défi d’Olga, Résumé

Pour commencer, un petit résumé en perspective

Avec Le défi d’Olga paru en 1994, Henri Troyat, né de son vrai nom Lev Tarassov (1er novembre 1941 à Moscou), invite à un formidable voyage historique au cœur d’une Russie à la fois éternelle et méconnue. S’appuyant sur une écriture claire et limpide, sur un vocabulaire simple mais précis, l’auteur place son récit dans une perspective éminemment historique, avec comme cadre temporel les années 1990 et comme paysage le cadre urbain par excellence.

Personnage central de l’œuvre, Olga Kourganova, veuve de 80 ans, vit dès lors à Paris, dans une nostalgie de la Russie des Tsars qu’elle a dû quitter durant son enfance. Enfermée dans une fermeté toute patriotique, elle a la charge d’un fils quinquagénaire au caractère infantile que l’abandon de ses deux amours contraigne à revenir se bercer dans le giron maternel. Un retour pesant qui s’avère être le fruit d’une curieuse décision, celle de l’installation commune aussi suspecte qu’inattendue de Caroline, dont il a divorcé quelques années auparavant, et de sa maîtresse Viviane. Une situation pittoresque qui se présente comme l’amorce du récit.

Pour Olga, ce retour de Boris est l’occasion d’une renaissance, enchantée qu’elle est de pouvoir remettre la main sur ce vieux garçon qu’aucune facétie ne semble détourner de l’amour maternel. La sortie d’une torpeur d’autant plus facilitée par la proposition flatteuse, émanant d’un traducteur russe à l’allure pour le moins pittoresque, de publier en langue française ses souvenirs de pensionnat. Si la méfiance est de mise au premier abord, l’acceptation finit par intervenir avec en toile de fond le rêve de pouvoir goûter à une gloire tardive. Les débuts de cette carrière d’écrivain sont tonitruants avec notamment ce savoureux et magistral passage sur le plateau de la fameuse émission littéraire de l’époque Paragraphes.

La France, ce pays d’adoption qui vient enfin de lui donner une reconnaissance certaine, fait naître en elle un sentiment de gratitude éternel que seul l’appel de l’illusoire passé de la Russie tsarine semble pouvoir contrebalancer. Mais, confrontée à la nécessité comme tout écrivain de devoir renouveler son inspiration et aux événements de la chute de l’URSS communiste, se pose à Olga un formidable défi. Celui des envies, des doutes, des peurs et angoisses d’un potentiel retour vers son pays natal…

Voilà résumé en quelques lignes la trame de ce livre majeur d’Henri Troyat, pour qui les personnages, et c’est là une clé de compréhension fondamentale, sont au cœur même de l’histoire. Ils y sont très bien développés, tant du point de vue de leurs caractères que de leurs personnalités. Il sait les rendre sympathiques au lecteur ou au contraire laisser apparaître leur côté bas et pitoyable. L’indifférence n’a en tout cas pas de prise, avec ce balancier sans retour entre l’amour profond et la détestation intense.

Davantage que l’intrigue ou l’action, cet ouvrage de Troyat se présente comme une analyse chirurgicale des caractères humains dans toutes leurs vertus et faiblesses. Les motivations, espoirs, croyances, bassesses de chacun des personnages sont l’occasion de pousser la description à l’extrême. Des êtres imaginaires dont l’auteur souhaite faire connaître la vie de A à Z afin de soumettre l’existence humaine à l’œil inquisiteur du lecteur. À travers le personnage de cette vieille femme qu’est Olga, sa volonté n’est-elle pas de vouloir démontrer le déchirement qui existe entre son attachement sans failles à sa patrie d’origine et dans le même temps la fidélité sans bornes à sa terre d’accueil ? Sans compter qu’au-delà de cette passionnante étude humaniste, il faut bien avouer que Le défi d’Olga ne peut que plaire aux férus d’Histoire avec un grand H. Les événements qui traversent et même bouleversent la Russie tout au long du roman sont autant d’invitations à mieux comprendre et connaître le pays dans ses dimensions plurielles.

Bref, une œuvre enrichissante faisant la part belle à l’émotion et à la tendresse qu’il convient désormais de disséquer chapitre par chapitre pour une meilleure compréhension de ses tenants et aboutissants…

Et maintenant, un résumé détaillé chapitre par chapitre

Première partie

Chapitre 1

Le récit débute en 1990 dans l’appartement parisien d’Olga Kourganova, vieille dame âgée de 80 ans vivant seule depuis la mort de son mari d’une péritonite plusieurs années auparavant. Elle a toutefois la chance d’avoir un fils, Boris, cinquantenaire bien tassé et propriétaire du restaurant « Le Gogol » servant nombre de spécialités russes. Parlant indifféremment français et russe Olga aime follement l’écriture, elle qui a rédigé plusieurs nouvelles pour un journal de l’émigration avant de s’enfermer dans une coquille empreinte de nostalgie et de chagrin. Elle vit de ses souvenirs, notamment ceux du pensionnat de Quairoy où ses parents l’ont placée dès leur arrivée sur le sol français et qui dictait le culte d’une Russie tsarine d’autrefois. Mais un événement soudain intervient ce même jour où commence l’intrigue, de ceux qui peuvent changer le cours de la vie. C’est Boris qui l’interpelle au téléphone, paniqué et ne manquant pas du même coup d’inquiéter sa chère mère. Son fils, de constitution fragile et au comportement infantile, apparaît comme traumatisé en lui annonçant qu’il s’est disputé avec Viviane avec qui il est est en ménage. La jeune femme souhaite qu’il quitte l’appartement au plus vite afin qu’elle puisse vivre ouvertement avec Caroline, l’ancienne femme de Boris dont il est divorcé depuis cinq ans maintenant. Olga voit cela d’un très mauvais œil et soupçonne un complot contre son rejeton, d’autant plus qu’elles travaillent toutes deux au restaurant. Empli d’amour maternel, la vieille femme propose alors à un Boris perdu et désemparé de revenir vivre avec elle, chose qu’il accepte. Le soir même, il dort au domicile de sa mère après avoir pris le soin de récupérer à la hâte ses affaires.

Chapitre 2

Olga et son fils ont une table réservée au Gogol. Viviane vient prendre commande en toute quiétude malgré la dispute intervenue la veille avec celui dont elle partageait jusqu’ici le domicile. Après un service rapide, celle qui vient de quitter Boris et Caroline viennent prendre place à la table d’Olga. Viviane, tout en rassurant le fils sur ses intentions et son désir de lui soumettre la comptabilité à chaque fin de mois, évoque avec la vieille dame le passage d’un traducteur, un certain Dimitriev, qui lui a beaucoup parlé d’elle. À la lecture des nouvelles d’Olga parue dans un journal d’émigration, l’idée lui est venue de les traduire en français et de les présenter à un éditeur. La vieille dame trouve l’idée pour le moins absurde alors la serveuse n’insiste pas. Témoin de sa rancœur envers celle qui a éconduit son fils, Olga déclare à Boris sur le chemin du retour que celle qu’il a aimée ne peut prétendre à faire de la vraie cuisine russe et que la pérennité du restaurant est de fait mise en péril.

Chapitre 3

Deux semaines de cohabitation entre Olga et son fils viennent de s’écouler et ce dernier semble se satisfaire pleinement de la situation. Il a sa chambre d’enfance, se lève tard et prend même son petit-déjeuner au lit. Bref, un cinquantenaire materné pour qui la vie apparaît bien simple et qui n’a d’autres occupations que de se rendre à sa modeste librairie située rue Visconti. La routine est en marche, chose qui rassure ô combien Boris. Cependant, un soir, alors qu’il regagne le Gogol il est surpris par la présence d’un petit homme barbu qui semble s’avancer vers lui avec un sourire en coin. C’est Dimitriev et il veut l’entretenir de son vieux projet, lui qui s’est amusé à traduire en français un récit d’Olga ayant pour titre Les Demoiselles du château. Il désire le consentement de la vieille femme pour pouvoir présenter le texte à un éditeur de la place de Paris. Le fils se sent soudain investit d’une mission à caractère filial, ayant désormais un but dans sa morne existence. D’ailleurs, les choses se passent bien puisque Olga trouve la traduction de bonne facture, le récit gagnant grâce à la langue française un supplément de vigueur et de mystère. La situation a évolué et la femme de 80 ans ne semble plus rétive à l’idée d’une parution de son œuvre, d’autant plus qu’elle accepte de le compléter pour en faire un vrai roman.

Chapitre 4

Les choses s’accélèrent. Un peu moins d’un mois après la remise du texte a l’éditeur Le Mouton Noir, son directeur littéraire annonce à Olga que son roman a fait l’objet d’une acceptation. La vie de la vieille dame aussi se transforme radicalement et elle se surprend elle-même à s’impatienter de la sortie de son œuvre en librairie. Les espoirs les plus extravagants semblent désormais à porter de main, d’autant plus que les premières critiques sont particulièrement élogieuses et que d’autres inédits sont sollicités par la maison d’édition. Elle sait avoir quelques manuscrits en réserve et consent à les faire traduire pour une parution prochaine. Outre cet appel à étoffer son panel, le directeur de la publication lui suggère de faire un passage sur le plateau de l’émission littéraire Paragraphes animée par Gérard Volpi. Olga hésite, mais est finalement invitée sur le plateau quinze jours après. Elle accepte dès lors le défi et cela s’avère être un triomphe ! Olga est littéralement survoltée et envisage même sans difficulté un nouveau passage à la télévision. La femme repliée sur elle-même s’est transformée.

Chapitre 5

Suite à passage sur le petit écran, Olga est devenue une figure incontournable de la vie parisienne. Son succès est grandissant et son livre se vend à profusion. Mais cette notoriété, tout en la flattant, n’est pas sans l’inquiéter. La curiosité qu’elle suscite est lourde à porter et en a même à vrai dire peur. Pourtant, elle fait le choix de poursuivre son cheminement en ayant comme projet d’écrire une suite romanesque aux Demoiselles du château. Mais avant de se lancer dans cette nouvelle aventure, elle souhaite retourner à ce qui a constitué la source de son inspiration en compagnie de Boris et de Dimitriev, le pensionnat de Quairoy. Cependant, la déception est grande, l’établissement ayant été affecté au casernement de CRS. Il est loin le temps des jeunes filles baignant dans l’atmosphère et les règles propres au dernier Tsar de Russie ! Bien que triste et empreinte de nostalgie, elle entreprend de rédiger La Voleuse d’étincelles qui connaît à sa parution un succès comparable à son premier opus. Elle demeure néanmoins accaparée par le doute de ne pouvoir écrire d’autres romans au regard de l’impatience suscitée. L’inspiration des débuts semble se tarir à mesure, si bien que Boris lui propose de se lancer dans l’écriture d’un livre sur l’URSS et de retourner dans son pays natal en sa compagnie. L’idée n’emballe pas du tout Olga, elle qui a une idée bien arrêtée du système communiste qui s’est emparé de son pays d’origine. Elle n’aime pas cette Russie là et le fait savoir, notamment à Dimitriev qui l’informe par voie téléphonique que les Éditions du Progrès souhaitent publier son premier ouvrage en version russe. Olga exprime son mécontentement à l’annonce de cette nouvelle et raccroche.

Deuxième partie

Chapitre 1

En ce jour d’août 1991, Olga apparaît fascinée par ce qu’elle voit à la télévision. Une foule dense envahit les rues moscovites en brandissant ici et là des icônes, des drapeaux russes tricolores ainsi que des portraits du Tsar Nicolas II. Après 74 ans de communisme, la Russie et tout un peuple se libère sous les yeux de la vieille femme qu’elle considère comme de l’esclavage pour renouer avec une tradition séculaire. Elle est fière et salue cette renaissance avec une émotion palpable. Toutefois, Olga est prise d’effroi à l’idée de penser aux périls qui menacent le peuple russe. Sa méfiance à l’égard de Boris Eltsine est grande, imaginant le tsar défunt se retourner dans sa tombe à l’idée de toutes ces provinces qui sollicitent leur indépendance et se détachent de la Grande Russie. Pour sa part, de retour dans sa chambre, elle finit par s’avouer séduite par l’excellent accueil que les journaux russes ont réservé à ses deux ouvrages. Olga est perdue et ne s’est jamais sentie aussi seule et désorientée. Le monde bouge, se recompose, se décompose à vitesse grand V et finit par en conclure que le mutisme est préférable lorsque des questions touchant l’évolution lui seront posées par des journalistes.

Chapitre 2

Olga vient de recevoir un carton d’invitation émanant de l’ambassadeur de Russie en France pour honorer la visite de Boris Eltsine la semaine suivante. D’un geste décidé, elle le déchire en se jurant de ne pas assister à cette facétie. Elle émet sans réserve de profonds doutes sur les paroles du nouvel homme fort du Kremlin, lui qui affirme que tous les Russes de France sont les bienvenus dans leur pays d’origine et que les frontières sont largement ouvertes s’ils entendent y retourner. Tout cela n’est pour elle que de la propagande et elle considère que bien peu de Russes exilés prendront le risque de retourner dans ce pays qu’ils ont quitté depuis plus ou moins longtemps. Eltsine repartit vers Moscou, les journaux informent du décès soudain du grand-duc Valdimir, héritier des Tsars, survenu à Miami en Floride. La Russie de l’enfance d’Olga disparaît à jamais, laissant la place à des mois d’incertitudes.

Chapitre 3

Au Gogol, l’heure du changement aussi semble venue. Dans le but d’égayer un peu les soirées, Viviane estime qu’il serait de bon ton d’engager un orchestre folklorique russe, les Katchalov. Mais pour ne pas changer, l’hésitant Boris préfère en parler à sa mère avant de prendre toute décision. Mais, à cet instant précis, Olga apparaît sur le seuil de la porte, ce qui va permettre à l’ancienne à Viviane d’exposer en personne son projet. La réponse ne se fait pas attendre, la vieille dame trouvant l’idée saugrenue. Elle pense en effet que les véritables amateurs de cuisine russe iront voir ailleurs et qu’il n’y a pas besoin de balalaïka pour attirer une clientèle de connaisseurs. L’idée est donc abandonnée et Boris peut pour ainsi dire respirer.

Chapitre 4

À la suite de la visite de Boris Eltsine à Paris, l’attrait pour la Russie apparaît décuplé voire même démesuré avec des agences de voyages qui peuvent à peine répondre aux sollicitations de billets pour Moscou ou Saint-Pétersbourg. De son côté, le Gogol connaît un succès sans pareil et doit refuser chaque soir des clients en quête d’exotisme à la mode slave. Une euphorie que ne va pas faire retomber un appel, un matin du mois de mai, de deux anciennes amies, Katia et Véra, qui reviennent tout juste d’un voyage organisé en Russie. Elles ont des milliers de choses à raconter à Olga et c’est avec un entrain mesuré que cette dernière les invite à boire le thé à son domicile le lendemain. Alors qu’elles se jettent dans un récit empli d’exaltation, la maîtresse des lieux semble quant à elle s’ennuyer et n’attend que chose, à savoir qu’elles partent. Elle se promet de ne plus jamais les revoir ! Quand Boris revient du Gogol, il lui annonce que Caroline et Viviane ont elles aussi pris la décision de prendre le chemin de la Russie pour une durée de trois semaines cet été à l’occasion de la fermeture du restaurant. Mais Boris a clairement exprimé son refus de les accompagner pour que sa mère ne se retrouve pas seule. Olga est comblée, l’amour entre la mère et son fils atteignant dès lors son paroxysme.

Chapitre 5

Outre ce bonheur maternel, Olga continue à connaître un succès ravageur sur le plan littéraire. Elle publie ainsi son troisième ouvrage intitulé 28, rue des Belles Feuilles et la critique est nouvelle fois positivement unanime. Son accueil est triomphal et le public se fait d’emblée la part belle à ces récits aussi brefs qu’aisés à lire. La télévision vient maintenant, dans son appartement, pour un entretien à heure de grande écoute et qui connaît une audience considérable. Le courrier des téléspectateurs abonde, mais Dimitriev se charge volontiers d’y répondre à sa place. Puis c’est au tour de l’envoyé spécial d’un grand journal russe de solliciter une rencontre. Il s’appelle Vassili et Olga prend un plaisir non dissimulé à converser avec son hôte, lui qui l’invite d’ailleurs à venir faire un séjour en Russie. De voyage, il en est justement question lorsque le Gogol ferme ses portes pour les vacances le 20 juillet. Caroline et Viviane s’envolent pour la Russie et pour le retour trois semaines plus tard deux comparses Olga a prévu d’organiser un dîner chez elle. Les voyageuses commentent avec entrain les magnificences de Saint-Pétersbourg et de Moscou mais paraissent avoir pris conscience de vide qui règne dans le pays.

Chapitre 6

Ayant accepté la proposition de Vassili de se rendre en Russie, doit quitter la France le 25 septembre, après que son fils dévoué se soit occupé de toutes les formalités administratives. Boris entreprend ainsi les démarches nécessaires à l’obtention des visas, à la réservation des billets d’avion et des chambres d’hôtel. Le médecin de famille d’Olga, Michel Loubet, quant à lui ne voit aucune contre-indication à ce qu’elle effectue ce long voyage, à condition toutefois de bien prendre ses médicaments et d’éviter l’accumulation de cérémonies officielles fatigantes. La vieille dame est impatiente et compte les jours qui la sépare d’un improbable retour dans le pays de son enfance.

Du même auteur Troyat, Le marchand de masques, Résumé

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