Denis Diderot

Diderot, Encyclopédie, Autorité Politique

Texte étudié

Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c’est la puissance paternelle ; mais la puissance paternelle a ses bornes ; et dans l’état de nature elle finirait aussitôt que les enfants seraient en état de se conduire. Toute autre autorité vient d’une autre origine que la nature. Qu’on examine bien, et on la fera toujours remonter à l’une de ces deux sources : ou la force et la violence de celui qui s’en est emparé, ou le consentement de ceux qui s’y sont soumis par un contrat fait ou supposé entre eux, et celui à qui ils ont déféré l’autorité.

La puissance qui s’acquiert par la violence n’est qu’une usurpation et ne dure qu’autant que la force de celui qui commande l’emporte sur celle de ceux qui obéissent ; en sorte que si ces derniers deviennent à leur tour les plus forts, et qu’ils secouent le joug, ils le font avec autant de droit et de justice que l’autre qui le leur avait imposé. La même loi qui a fait l’autorité la défait alors : c’est la loi du plus fort.

Quelquefois l’autorité qui s’établit par la violence change de nature ; c’est lorsqu’elle continue et se maintient du consentement exprès de ceux qu’on a soumis ; mais elle rentre par là dans la seconde espèce dont je vais parler ; et celui qui se l’était arrogée devenant alors prince cesse d’être tyran.

La puissance qui vient du consentement des peuples suppose nécessairement des conditions qui en rendent l’usage légitime utile à la société, avantageux à la république, et qui la fixent et la restreignent entre des limites ; car l’homme ne peut ni ne doit se donner entièrement et sans réserve à un autre homme, parce qu’il a un maître supérieur au-dessus de tout, à qui il appartient tout entier.

Diderot, Encyclopédie

Introduction

L’Encyclopédie est un ensemble d’articles qui définissent les idées (politiques, sociales, scientifiques ou religieuses) des philosophes. Ces articles sont à caractère didactique, explicatif et argumentatif. Fondée par Diderot et d’Alembert pour instruire les gens et préparer la révolution, elle était diffusée en dehors de Paris par des colporteurs ou dans des salons.

Cet article de l’Encyclopédie est écrit par Diderot, l’un des fondateurs, l’un des philosophes les plus politisés du XVIIIème siècle, ce qui explique son titre, « Autorité politique ».

Cet article a été publié en 1751, à la fin du règne de Louis XIV, et définit la liberté et de démocratie.

I. Définition de l’autorité politique

J’observe : – L’auteur débute le texte avec une négation : « aucun homme n’a reçu de la nature le droit de la commander ».
J’analyse : Il fait une opposition entre la nature et l’autorité politique : l’autorité politique n’est pas naturelle mais vient de l’individu.

J’observe : – « Si la nature a établi quelque autorité, c’est la puissance paternelle ».
J’analyse : Il oppose également l’autorité politique à l’autorité paternelle. Celle-ci peut être tolérée car elle est naturelle.

J’observe : – « mais la puissance paternelle a ses bornes ».
J’analyse : Il dit que l’autorité paternelle n’est pas toujours bonne à accepter, il y fixe des limites.

J’observe : – Champ lexical de la soumission et de la violence : « force, violence, soumis… » et « la liberté est un présent du Ciel ».
J’analyse : Il oppose l’autorité à la liberté.

J’observe : – « La puissance qui s’acquiert par la violence n’est qu’une usurpation et ne dure qu’autant que la force de celui qui commande l’emporte sur celle de ceux qui obéissent ».
J’analyse : Une autorité politique est donc selon l’auteur temporaire, elle ne dure que jusqu’à ce que le peuple se révolte. Le second paragraphe est donc une incitation à la révolution.

J’observe : – Début du 3ème paragraphe : « c’est lorsqu’elle continue et se maintient du consentement exprès de ceux qu’on a soumis ».
J’analyse : C’est là que l’auteur définit l’autorité démocratique.

J’observe : – « prince cesse d’être tyran ».
J’analyse : C’est un exemple pour illustrer sa définition. Il utilise ici le mot « prince » car il s’inspire de l’ouvrage de Machiavel Le Prince qui définit déjà au XVIème siècle la démocratie.

J’observe : – « La puissance qui vient du consentement des peuples suppose nécessairement des conditions qui en rendent l’usage légitime ».
J’analyse : L’autorité doit être encadrée, avoir des limites, même si elle est démocratique, et ce sont les lois ces limites (« légitime »).

J’observe : – « car l’homme ne peut ni ne doit se donner entièrement et sans réserve à un autre homme, parce qu’il a un maître supérieur au-dessus de tout, à qui il appartient tout entier ».
⇒ J’analyse : Ce sont les exemples qu’il utilise pour argumenter l’usage des lois : elles sont nécessaires pour préserver les gens et il donne un argument religieux.

J’observe : – « un maître supérieur ».
J’analyse : Périphrase qui symbolise Dieu, le déisme.

II. La connotation

J’observe : – « je vais parler ».
J’analyse : Focalisation interne, l’auteur montre qu’il est présent.

J’observe : – Connecteurs logiques : « si, mais, car, parce que ».
J’analyse : Il s’agit d’un texte argumentatif où l’auteur développe ses idées.

J’observe : – « la liberté ».
J’analyse : Il s’agit de la thèse.

J’observe : – « aucun, toute, limite, borne ».
J’analyse : L’auteur emploie un ton catégorique, il n’utilise pas de moyen de déjouer la censure, ce qui montre son courage ; c’est un ton oratoire.

J’observe : – « secouent le joug ».
J’analyse : Dans le second paragraphe il incite à la révolution, il cherche à exercer une influence.

J’observe : – Dans la dernière phrase il parle de religion : « maître supérieur ».
J’analyse : Il parle de déisme, il tente également d’inciter les lecteurs à l’adopter.

J’observe : – « prince ».
J’analyse : Le terme de prince symbolise la démocratie, il exprime ici son souhait.

J’observe : – « tyran ».
J’analyse : Le terme de tyran symbolise le roi et ce qu’il souhaite voir disparaître.

Conclusion

Dans ce texte argumentatif Diderot tente de définir la liberté et l' »autorité politique » tout en critiquant le pouvoir en place et en incitant les gens à faire la révolution et à renverser le pouvoir en place.

Plus tard, André Malraux confirmera cette idée : « la liberté appartient à ceux qui l’ont conquise ».

 

Du même auteur Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, Chapitre II, Les Adieux du vieillard Diderot, Article, Autorité Politique Diderot, Paradoxe sur le comédien, Quel jeu plus parfait que celui de la Clairon Diderot, Le Neveu de Rameau, Résumé Diderot, Le Neveu de Rameau, De l'Or Diderot et d'Alembert, Encyclopédie, Articles réfugiés Diderot, Le Neveu de Rameau, Mais quel âge a votre enfant ? Diderot, Jacques le fataliste et son maître, Résumé Diderot, Le Neveu de Rameau, La pantomime des gueux Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, Pleurez, Malheureux Tahitiens !

Tags

Commentaires

0 commentaires à “Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, Pleurez, Malheureux Tahitiens !”

Commenter cet article