Jean de La Fontaine

La Fontaine, Fables, La poule aux œufs d’or

Fable étudié

L’avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux, pour le témoigner,
Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable,
Pondait tous les jours un œuf d’or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches :
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être riches ?

Introduction

Nous allons étudier une fable de La Fontaine intitulée La Poule aux œufs d’or, tirée du livre V. La Fontaine est un fabuliste du 17ème siècle, auteur des Fables composée de douze livres. Il est élu à l’Académie française. La fable est un apologue, récit en prose ou en vers, versifié depuis La Fontaine, le plus souvent suivi d’une morale qui vise un enseignement. Elle a pour fonction de plaire et d’instruire. Le ton est didactique. Le récit est le « corps » tandis que la morale est « l’âme », la leçon qui s’en dégage. C’est sous le patronage d’Esope qu’il place son premier recueil malgré quelques transformations. Esope est l’inventeur des fables. Dans le but de répondre à la problématique, quels sont les moyens utilisés par La Fontaine pour mettre en valeur sa thèse, nous verrons comment à travers les deux fonctions de la fable, plaire et instruire, l’auteur parvient à convaincre tant par le récit que par la morale.

I. Le récit

Nous avons un schéma narratif. Tout d’abord, la situation initiale, un animal magique produit de l’or, propriétaire cupide qui croit que les entrailles de sa bête sont en or. L’action principale est une mise à mort de la volaille au vers 6. Nous avons un certain nombre de péripéties, puis l’élément de résolution, les entrailles sont normales et enfin, la situation finale. Le récit est composé de phrases simples et complexes bien structurées qui permettent de dire beaucoup de choses dans texte très bref. C’est un récit qui fonctionne comme une enquête. « Il crut », vers 5, mais à la fin de l’enquête, il ne trouve rien et il est déçu. La mise en scène est colorée, c’est une comédie fantaisiste, l’or renvoie à l’œuf qui dépasse l’objet car il symbolise la richesse, l’avarice. La notion du temps est mise en avant par l’usage répété de l’imparfait. L’originalité de la présentation bouleverse la chronologie avec la fin du texte. La cupidité illustre l’aspect négatif, le défaut, « sont pauvres devenus ». Nous notons la présence du chiasme pauvres/riches et être/devenus. La leçon est intemporelle ainsi que le souligne le témoignage universel par les pronoms personnels, « je » et « ils » mis pour « les gens », la leçon est donc valable pour tous.

Le récit dans les fables est toujours suivi d’une morale, qu’elle soit implicite ou explicite, nous allons en étudier la portée par rapport à l’ensemble de l’histoire.

II. La morale

La dénonciation revêt la forme d’une leçon développée dans le récit. La présence de celle-ci n’ajoute rien au récit qui est explicite. La morale se trouve brièvement évoquée dans le vers 1, elle accroît le sens et la portée du récit. Elle annonce l’idée en lui donnant la concision d’une maxime. Elle ridiculise les hommes qui sont détruits par la convoitise, leur plus grand défaut. La poule est l’objet de toutes les richesses possibles. Par elle on parvient à l’homme, il y a un glissement à l’homme qui laisse transparaître sa vraie nature, c’est-à-dire, dans ses vices. Le symbolisme animalier permet à la morale d’être une critique ouverte de la cupidité. Les hommes sont dupés par le désir trop violent de toujours vouloir posséder plus. Cette morale concerne les cupides qui ne savent pas réfréner leurs instincts, ni les maitriser, ceux que jamais leur condition ne contente. Elle serait en elle-même ennuyeuse si elle n’était pas divertissante, sans la fiction. Il faut donc rendre la vérité plus agréable à dire. Le but est didactique, cela vise un enseignement, derrière l’objet divertissant de la fable, le récit allégorique, se cache une vérité.

Conclusion

Ce texte est à la fois concis et dense, très dynamique avec des vers longs et courts, 12 vers seulement. La Fontaine développe une morale qui prend plus de place que l’histoire en elle-même. L’idée est déjà mise en évidence au début de la fable. Pour mieux duper la morale, toute la fin du texte lui est consacrée. L’attaque de La Fontaine est très nette, le ton est mordant car il est direct, il vise les faiblesses humaines remettant en cause la démesure, l’impatience et la cupidité. La leçon de morale est la suivante, le conseil est implicite, il faut être plus réfléchi, plus patient, savoir apprécier ce que l’on a à sa juste valeur. Ne péchons pas trop, tout pécheur est tôt ou tard puni. L’homme doit trouver la juste mesure entre le trop et le trop peu, on retrouve les valeurs du classicisme. L’art de la mesure est un idéal humain. C’est une forme de sagesse que la Fontaine nous enseigne, elle est fondée sur la modération et le juste milieu. Il faut rester maître de soi et ne pas être aveuglé par le désir insatiable de s’enrichir au risque de tout perdre. Un tel appel à l’équilibre débouche sur une attitude globale face à l’existence. Il ne faut pas vouloir toujours plus. Les vices et les excès détruisent les vraies valeurs. Mille tourments attendent le cupide.

La Fontaine emprunte un certain nombre d’éléments à Esope qui est sa source d’inspiration essentielle, cependant on retrouve chez l’auteur, la théorie de l’initiation chère à la doctrine classique. L’époque de la Fontaine et de Molière considère les œuvres de l’antiquité comme des modèles absolus, mais ici, La Fontaine réécrit Esope. Cette dernière est variation et recréation. Les deux auteurs ont en commun l’utilisation d’un animal d’apparence ordinaire qui pond des œufs d’or. C’est l’introduction du merveilleux dans l’ordinaire, ils ont aussi la morale de l’histoire en commun, l’homme n’est jamais satisfait. Par conséquent le sujet, la dénonciation sont les mêmes mais La Fontaine se débarrasse de toutes les connotations religieuses présentes chez Esope.

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