Gustave Flaubert

Flaubert, Madame Bovary, Emma au théâtre

Introduction

C’est parce que Flaubert veut tuer en lui le cancer du romantisme qu’il décide d’écrire « Madame Bovary« , titre qui contient en lui-même la distance que l’auteur veut établir entre lui et son personnage. Le texte que nous allons étudier nous raconte une soirée au théâtre. Emma est à Rouen et va assister à une représentation d’un opéra romantique : Lucie de l’Amermour. C’est pour Flaubert l’occasion de poursuivre l’analyse du cœur de son héroïne et en même temps de prendre une distance critique. Nous allons faire une lecture méthodique de ce texte qui s’efforcera dans un premier temps de mettre en valeur la fascination d’Emma, puis nous prendrons une distance critique avant de nous intéresser à la réflexion menée sur le théâtre.

I. La fascination d’Emma

A. La fascination et l’excitation.

Dans le regard tout d’abord : la présence d’Edgar la fascine et il y a dans la démultiplication du « il » un regard avide.

Dans le cœur : correspondance avec un champ lexical romantique. Le battement du cœur est suggéré par le rythme haletant de la phrase. L’envoûtement est suggéré par l’aspect tentaculaire de certaines phrases provoqué par l’utilisation de l’imparfait, des diérèses, des pluriels, de l’ampleur des mots. Le rythme est langoureux.

B. La sensualité d’Emma.

Nous assistons à une scène d’amour mise en place par l’expression « il pressait Lucie dans ses bras« . On perçoit l’éveil de la sensualité par les quatre monosyllabes « de son cou nu » qui introduisent une sorte de rupture dans le rythme langoureux. L’adjectif « nu » prend une valeur érotique, qui est suivie par le verbe « griffer » et le « velours » qui peut connoter la peau.

Enfin, la dernière phrase par son rythme haletant qui débouche sur un cri achève cette explosion de sensualité.

II. Le thème de la médiocrité

A. Un acteur médiocre.

En effet, le jeu d’Edgar est prétentieux : il se croit bon et il en fait trop (succession de verbes d’action, le « il » s’empare de la scène).
Son jeu est aussi névrosé, on passe sans nuance d’un sentiment à un autre, d’une action à une autre. Ce jeu névrosé est mis en valeur par un jeu d’antithèses (« quittait » et « revenait« , « colère » et « rôles élégiaques« ).
Cette médiocrité d’Edgar n’échappe pas à Flaubert qui, avec description et précision, se moque de lui (« semblait« ).

B. Une pièce médiocre.

La pièce est excessivement romantique. Le champ lexical du romantique et le vocabulaire hyperbolique nous donne un sentiment de saturation, d’écœurement; un jeu de saturation dans lequel les mots perdent leur force (« pleines de« ) :

Les clichés romantiques suggérés par « le clair de lune« .
Une musique lassante : « se traîner« .
L’ennui est suggéré par l’ampleur des phrases, le rythme lent. Cet ennui génère la moquerie par une comparaison volontairement excessive.

C. Un public médiocre.

Le public est non averti. Ceci se voit par la rapidité de la temporelle, la valeur hyperbolique de « enthousiasmer« , la fascination du « il« .
L’enthousiasme est dérisoire face à la médiocrité de la pièce : « la salle craquait sous les bravos« .

III. L’illusion théâtrale

Nous assistons en effet au passage d’Emma de la réalité à l’illusion. Le passage est traduit tout d’abord par un mouvement du corps : « Emma se penchait pour le voir« .
Un lien direct s’établit entre l’auteur et elle : « les notes s’échappaient de son cou nu« , « Emma s’emplissait le cœur ». Le théâtre est un miroir dans lequel Emma se reflète : « elle reconnaissait« .
Un monde qui bascule, Emma est désormais sur scène. La scène devient réalité; elle écoute Lucie désormais, la chanteuse. La terre est devenue une planète lointaine qu’elle observe de son septième ciel : « Là-bas sur Terre« . Enfin, son amant Rodolphe est désigné par « il » alors que le « il » de l’acteur devient Edgar.

Conclusion

L’intérêt de cette scène repose tout d’abord sur le complément qu’elle apporte à la personnalité d’Emma. Nous la découvrons à la fois passionnée et fragile, succombant aux charmes de l’illusion. Nous retiendrons de l’écriture flauberienne la précision avec laquelle il nous entraîne dans l’univers de son héroïne. Réalisme certes, mais réalisme subjectif. Une fois encore, en distillant habilement la critique, il prend ses distances et parvient à faire au lecteur son ironie, ironie vis à vis d’Emma mais peut-être aussi vis à vis du jeune romantique qu’il a été.

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