Jean-Jacques Rousseau

Rousseau, Les Confessions, Première rencontre avec Mme de Warens

Introduction

Après sa fuite de Genève, Jean-Jacques ère seul et sans ressource. Il est recueilli par un prêtre catholique, Monsieur de Pontvert, qui l’adresse à Madame de Warens. Non sans appréhension, le jeune homme se rend à Annecy par le chemin des écoliers pour cette entrevue décisive. Nous avons affaire dans ce texte de la rencontre à une écriture du souvenir qui permet de faire revivre un moment décisif. Nous allons faire une lecture méthodique de ce texte dans laquelle nous verrons, dans un premier temps, un souvenir émouvant, une rencontre décisive et enfin un regard amusé.

I. Un souvenir émouvant

A. Le passé ressuscité

Le présent de narration place les actes de Rousseau (« je la vois », « je l’atteinds », « je lui parle ») et ceux de Mme de Warens (« se retourne », « prend », « ouvre ») dans une fausse actualité qui leur confère l’éclat même de la vie.

B. Un temps rapide

Le rythme de l’écriture traduit sans cesse l’émotion de l’instant et l’émotion du souvenir ; la succession des verbes d’action que nous venons d’évoquer donne aux phrases un rythme haletant.

C. L’interruption du récit

Le récit de la rencontre elle-même est sans cesse différé ; l’effet de dramatisation créé par l’adjectif « terrible » (« Je partis pour cette terrible audience ») suscite une attente déçue : « je ne trouvai pas Mme de Warens ».

Le deuxième effet de l’attente (« je dois me souvenir ») : L’entrée de Rousseau dans le discours éloigne de l’histoire en rapprochant du moment de l’écriture. Le narrateur semble ne pas maîtriser son émotion d’où l’interruption du récit ; l’éloignement temporel (époque de la rencontre) est estompé par la proximité affective et traduit l’attachement au passé.

II. Une rencontre décisive

A. Le lieu et le moment

Le lieu est caractérisé par le culte que lui voue l’auteur (champ lexical de la religion : « église« , « monuments« , « à genoux« ).

Le moment possède aussi une valeur symbolique : « le jour des Rameaux » (la précision de la date souligne l’importance des souvenirs) : L’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem. Un parallèle est fait entre Jésus et la bienfaitrice.

B. Mme de Warens

Un portrait vague, flou, totalement subjectif lui est fait. Ce portrait nous est présenté à travers des notations hyperboliques, aucun détail physique n’est décrit avec précision. Rousseau semble écrire un blason (poème sur le corps de la femme) qui donne l’impression d’une sensualité radieuse.

L’allitération en « s » relie ces termes élogieux et les retient par sa douceur (« éblouissement« , « grâce« , « douceur« , « enchanteresse« ). Mme de Warens semble être un résumé des rêves de Jean-Jacques, la sensualité laissant entrevoir le désir.

C. Les effets de la rencontre

Elle prend l’adolescent (et le lecteur) au dépourvu : la personne est en totale antithèse avec le personnage imaginé. Rousseau avait dit « une bonne dame bien charitable« , « rechignée« . Le constat « je vois » annule l’impression première : cet effet de surprise se double d’une révélation comme le relève le champ lexical du regard : « je vois« , « coup d’œil« .

Le petit Rousseau est aveuglé, cela entraîne une perte de contrôle de lui-même qui se traduit par les expressions « main tremblante« , « me fit tressaillir » qui sont signe d’un bouleversement intérieur.

III. Un regard amusé

A. Un adolescent maladroit et naïf

Sous le regard paternel de l’homme mûr qu’il est devenu, une distance amusée signale la gaucherie de l’adolescence. Le manque de confiance en soi (qui avait été montrée par la gaucherie de l’écriture) est tout au long de la scène évoquée par le silence de Jean-Jacques.

B. Une amusante duplicité

Toute la scène a été marquée par un aspect religieux, les lieux, Mme de Warens elle-même : on assiste ici à un détournement du langage religieux. La révélation prend alors un tout autre sens.

Conclusion

De ce texte nous retiendrons tout d’abord la rencontre amoureuse et la part essentielle de Mme de Warens dans la vie de Rousseau ; rencontre traditionnelle que l’on peut comparer avec les grandes rencontres (Frédéric et Marie Arnoux). Toutefois, cette page est surtout l’exemple vivant de l’écriture du « moi », mêlant habilement les émotions d’hier et d’aujourd’hui, tout en prenant une sorte de distance paternelle qui, pour une fois, n’exclut pas l’ironie.

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