Jean-Jacques Rousseau

Rousseau, Les Confessions, Le Ruban volé

Texte

Commentaire de texte de « Il est bien difficile que la dissolution » à « ne cesse pas un seul jour d’être accompli ».

Référence

Les Lignes correspondent au livre « Texte analyse littéraire et expression » de la classe de 1ère chez Nathan (nouveau programme).

Lecture du texte

Nous étudierons d’abord l’art du récit, avec l’opposition et la dramatisation, puis la stratégie de l’aveu.

Introduction

Écrites par Rousseau lors de son exil en Suisse pour se défendre contre les accusations de Voltaire exprimées à travers un pamphlet, « Les Confessions » représentent la première autobiographie reconnue comme telle. Dans son œuvre, Rousseau cherche à justifier des actions commises dans le passé.
Le ruban volé, contenu dans le Livre II, est l’un des trois aveux importants des « Confessions« . C’est à Turin, chez Mme de Vercellis qui vient de décéder, que se déroule la scène. Rousseau va alors voler un ruban et accuser à tort quelqu’un d’autre.

I. L’art du récit

1. Marion « ange de douceur »

Marion est présentée comme une personne parfaite dont le comportement est exemplaire.

Rousseau en fait un portrait élogieux.

(l.12 à 14) « jolie, fraîcheur de colories, modestie, douceur »; (l.21) « aurait désarmé les démons » (hyperbole pour la douceur de Marion).

Rousseau décrit Marion avec un vocabulaire accumulatif (l.15) « bonne fille, sage et d’une fidélité à toute épreuve » parce que son apparence traduit son être profond qui se montre aussi par le rythme ternaire de cette phrase.

La manière dont Rousseau décrit Marion pousse le lecteur à la prendre en affection puisque :

Elle a toutes les qualités.
Elle a une attitude exemplaire lors de la confrontation (d’abord surprise puis comportement digne et assuré) :
(l.23) « m’exhorte à rentrer en moi-même ».
(l.28) « mais je ne voudrais pas être à votre place « .

2. Rousseau « mauvais démon »

A l’inverse de Marion, Rousseau est diabolique :

structure en chiasme (double antithèse, double opposition de deux termes)
(l.31-32) « une audace aussi diabolique et de l’autre une aussi angélique douceur »

Rousseau utilise la métaphore filée du démon, du principe du mal :
(l.21) « barbare cœur »(hyperbole pour la cruauté de Rousseau).

Rousseau est rappelé par la voie de la conscience mais elle est étouffée par la honte :
(l.31) « audace diabolique », (l.24) « impudence infernale ».

Rousseau accable un démon et se justifie en disant que celui-ci l’a forcé à commettre ce vol.

Rousseau se noircit :

Il donne pleins de détails (pour montrer qu’il se souvient parfaitement de tout et donc qu’il est sincère) : les noms, les couleurs.
Parler au présent souligne la honte qui est la sienne.
Il peint Marion sous des traits flatteurs et touchants : modérée dans le caractère, innocence (elle le pardonne)

3. La dramatisation du récit, comparaison avec une scène de théâtre

La scène du tribunal est reconstituée : solennité de la confrontation :

L’assemblée était nombreuse, le comte de la Roque y était.

Les rôles sont nettement précisés.

Rousseau accorde de l’importance aux mimiques, à la façon de parler.

La scène est racontée au présent de narration qui est une façon de revivre l’événement, à partir de « elle arrive » (l.19).

Le discours direct de Marion est choisi par Rousseau pour émouvoir le lecteur mais aussi parce que le souvenir est très fort.

La rapidité est montrée par la succession des verbes (l.20-21) : « elle reste interdite, se tait, me jette un regard… » et aussi par le rythme ternaire de la phrase.

La scène est évoquée rapidement parce qu’elle s’est passée rapidement. On peut la comparer à une scène de théâtre.

Les comportements de chacun sont très détaillés.

La sentence morale :  » La conscience du coupable vengerait assez l’innocent  » (l.35-36)

Transition : A travers un récit très bien construit, Rousseau monte toute une stratégie pour faire ses aveux.

II. Stratégie de l’aveu

1. L’être et le paraître

Rousseau se présente ainsi que Marion comme des victimes de la société, des adultes.

Il ment pour échapper à la honte, à la désapprobation. Il imite le modèle des adultes pour les tromper.

Marion donne un spectacle trop sincère pour être crûz : ses qualités la desservent, on croit qu’elle simule l’innocence.

Rousseau accuse les accusés d’être incapable de dépasser les apparences :

(l.33) « On ne parut pas se décider absolument »
(l.34) « On ne se donna pas la peine d’approfondir la chose »
La solution a donc été de les renvoyer tous les deux.

2. Rousseau et la culpabilité

Si Rousseau écrit cet aveu, c’est pour se déculpabiliser. Sa conscience n’est pas tranquille (cf dernière phrase). Il veut se débarrasser de ce mauvais souvenir, oublier. Il parle aux lecteurs qu’il juge témoins, pour avouer et montrer sa sincérité. Il souhaite être pardonné car cette histoire le fait souffrir = fonction cathartique (qui purge, qui libère).

Conclusion

Ce récit a été raconté par Rousseau de manière à se décharger, de se délivrer des remords qui l’accablent : fonction cathartique (qui purge, qui libère), en insistant sur sa culpabilité.

C’est un aveu sur lequel Rousseau insiste fortement, il prend le lecteur comme juge-suprême. Il oppose sa noirceur avec la douceur angélique de Marion. Rousseau fait le procès d’une société où la transparence des cœurs n’existe pas. Malgré la grâce et la vivacité du récit, une gène subsiste après la lecture de ces pages : on tiendra compte à Rousseau de ses bonnes intentions, de son courage, mais cette confession publique fournit des armes contre lui : son insistance à s’appesantir sur un si minime incident devient à la fin douteuse, voire suspecte. Ce texte a un caractère ambivalent, il est intéressant et représentatif des « Confessions« .

 

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