Jean-Paul Sartre

Sartre, Les Mots, Anecdote du Coiffeur

Texte

Commentaire de « Un jour – j’avais sept ans » à « c’était saper à la base ses futurs émerveillements ».

Référence

Les Lignes correspondent au livre « Texte analyse littéraire et expression » de la classe de 1ère chez Nathan (nouveau programme).

Introduction

Le texte que nous allons étudier est un extrait des « Mots » de Jean Paul Sartre, œuvre autobiographique dans laquelle il explore son enfance. Ce passage appartient à la 1ère partie de l’ouvrage, intitulée « Lire« . L’auteur y raconte une anecdote à première vue anodine, puisqu’il s’agit d’une simple coupe de cheveux. C’est pourtant cette expérience, qu’il analyse avec lucidité et humour, qui va lui révéler à la fois sa laideur et le regard que les autres portent sur lui. Après avoir étudié l’art avec lequel Sartre raconte cette anecdote, nous analyserons la double révélation qu’elle suscite, ainsi que l’humour et l’ironie légère qui la font vivre.

I. L’art de l’anecdote

1. Lieux et temps

Alternance subtile : flou et précision à la fois.
Pour le temps : « un jour » (l.1) , « il écrit une fois » qui révèlent l’art du compte. Différence avec « sept ans », « surlendemain ». Repères de temps à la fois précis et vagues.
Pour le lieu : « promenade », « coin de la rue », « coiffeur » (l.2-3). Différence avec « Arcachon » (l.10), « Courbevoie » (l.11). Repères de lieux à la fois précis et vagues tout comme les repères de temps.

Nomme précisément les protagonistes [personnages] de l’épisode de l’appendicite. Cette dénonciation montre qu’il donne plus d’importance à l’anecdote de « l’appendicite » que celle du « coiffeur ».

2. Récit et digression (digression = développement qui s’écarte du sujet traité)

Plan du texte : Structure complexe : (l1-4) : souvenir du coiffeur ;(l.5-7) : analyse rétrospective ;(l.7-15) : anecdote de l’appendicite (digression) puis fin de l’analyse. C’est un récit de base puis une analyse sur ce récit coupé par un exemple, puis reprise du récit de base.

Talents de conteur de la part de Sartre : Relance l’attention, déroute, accroche le lecteur grâce à cette digression.

Souvenir du coiffeur plus important (car source de l’analyse) mais Sartre refuse la lourdeur de l’analyse passé/présent en introduisant une autre anecdote à laquelle on a l’impression que l’auteur y attache plus de place par un récit plus long que celui relatant l’histoire marquante du coiffeur.

Transition : A travers un récit plaisant ayant les caractéristiques du conte, Sartre montre la double révélation cruelle pour le jeune homme à l’époque.

II. Une double révélation

1. Sa laideur

Rupture du second paragraphe qui donne la clef du texte (commencement suivi d’un nouveau paragraphe, en opposition complète avec ce qui a été dit précédemment sur sa famille) : « cris » « pas d’embrassements » (l.19) marque une antithèse avec la ligne 6 du texte.

Laideur de Sartre : visage caché par ses boucles et se voit à découvert (l.22). Cruauté : « évidence » (l.22) et « s’avoua » (l.23).

(l.23) : problème à l’œil (allusion sans doute à son strabisme divergent). Énoncé sous forme de périphrase qui contraste avec la crudité du mot « laideur »).

2. Réaction des autres

Réaction muette mais extrême de la part de sa mère : pas de discours direct mais choix de l’impersonnel « on » (l.20) avec des pleurs (l.20). Lui permet de comprendre un des problèmes de sa mère qui aurait préféré une fille.

Réaction apparemment muette aussi de son grand père : (l.24) le mot « interdit » est amplifié par l’adverbe « tout ».
Deux réactions muettes qui contrastent avec la multiplication verbale du 1er paragraphe qui comprenait beaucoup de discours directs.

Transition : Malgré tous ses défauts qui apparaissent dans le texte, l’auteur les utilisent pour faire ressortir ironie et humour.

III. Source d’ironie et d’humour

1. Sur les autres par le biais du théâtre

Regard à la fois tendre et ironique sur sa famille et son enfance, présentée comme une pièce de théâtre (l.5-6). Allitération « cachotteries », « cadeaux » : manière de renforcer la théâtralité de cette phrase nominale.

Dit explicitement (l.7) « ton » qui est un terme normalement utilisé en critique littéraire, et non pour une description d’une anecdote de l’enfance.

Texte tout entier inspiré par le théâtre, dans sa structure :
Alternance récit-analyse + anecdote de l’appendicite : petite scène comique très vivante, fondée sur le quiproquo.
Coup de théâtre du « bref » (l.15) qui coupe la scène relatant l’histoire de l’appendicite.

2. Sur lui-même par le biais de la métaphore

Lucidité sur lui-même : sur sa laideur (l.21-24) : correspond à une ironie douce.

Présentation emphatique (=prétentieuse) et exagérée de l’épisode chez le coiffeur par l’utilisation d’un mode épique (=guerrier) : (l.16-18) : image de la mort du soldat et du guerrier : « glorieux ».

Langage de la métamorphose : « troque » (l.20), « rendu » (l.25)
2 étapes : Garçonnet : récit normal

Crapaud : version comique de la même métamorphose.

Fin logique du texte car fin du conte : passage qui commence par « un jour », variante de « il était une fois » et se clôt sur un « émerveillement » impossible (l.25-26), à cause de sa transformation. Au final, c’est l’inverse du conte de fée, le prince devient crapaud.

Conclusion

Dans ce passage des  » Mots « , Sartre raconte avec ironie et humour sa 1ère expérience chez le coiffeur. Cet épisode, source d’une double révélation sur sa laideur, mais aussi sur ses proches, est particulièrement bien construit et montre l’ironie avec laquelle le narrateur adulte traite l’épisode, les autres personnages et l’enfant naïf qu’il fut. Sartre transforme une expérience douloureuse en récit à la foie drôle et tendre.

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