Guillaume Apollinaire

Apollinaire, Alcools, Le Pont Mirabeau

Introduction

Apollinaire, célèbre poète du XXème siècle, autour du recueil Alcools publié en 1913 : chaque poème est inspiré par une page parfois douloureuse de sa vie (Alcools = ivresse poétique mais aussi saveur amère de l’alcool et par extension de la vie).
Le poème part de la vie d’Apollinaire, publié en 1912. Le pont Mirabeau par lequel Apollinaire passait quand il revenait de chez Marie Laurencin, peintre avec qui il a eu une longue liaison. Le fleuve est associé aux souvenirs de cet amour, la Seine sa confidente. Ce poème est une méditation sur l’amour et le temps qui passe, comme si la fleur reflétait le destin d’Apollinaire…

I. La fuite ambiguë du temps

1. Le passage irréversible

Le fleuve passe, le temps passe.

On voit aussi cela dans les enjambements qui ralentissent le rythme, donnant une continuité interrompue.

Dans chaque strophe, le dernier vers contient une marque de cet écoulement, rythme fluide (eau qui coule, temps qui coule).

Passage trop lent car les procédés remarqués expriment le ralentissement.

2. Mais ce passage est trop lent

Vers 4-6-10 : syllabes ? ralenti le rythme.

Les « ou » et les nasales montrent aussi le ralentissement.

Rime féminine « e » muet ; allitération en « l ».

On ne peut pas revenir en arrière. Le temps passe lentement.

Cette expression de la durée marque l’ennui, la monotonie.

Cette fuite du temps marque cette circularité. Le temps intérieur du poète ne passe pas.

3. Circularité

Le refrain montre la circularité : reprise du vers 1 au vers 22.

« Main de la main » « face à face » : répétition.

Le poète trouve sur lui-même comme si le poète voyait son image dans le fleuve.

C’est le temps intérieur qui ne passe pas ? manière dont il le perçoit. Il voit se refléter dans le fleuve sa propre vie, monotonie.

Circularité : pas de ponctuation : continuité.

Le conflit entre le temps qui passe et le temps interne du poète renforce la souffrance ? passage et permanence.

II. Association des images de passage et de permanence

1. L’amour s’en va

Cette ambiguïté marque un conflit.

L’eau qui coule : métaphore de temps qui passe. Ici double métaphore : métaphore du temps qui fuit (v.13 : comme cette eau courante).

Anaphore en tête de vers (13 et 14) « l’amour s’en va ».

Reprise « ni temps passé ni les amours reviennent » (dernière strophe).

On voit un lien comme une fatalité entre eau, homme, temps, amour. Et on voit bien comment l’union des amants se défait point à point.

« Ni […] ni […] » ; parallélisme entre temps et amour : même irréversibilité marqué par le parallélisme de la négation, avec mise en valeur de ces 2 vers.

Et cette union se fait dans le passé malgré les efforts du poète pour la redonner au présent « restons » premier vers de la deuxième strophe) : impératif présent.

2. Le souvenir des amours mortes

En revanche le souvenir, lui, est présent.

Ambiguïté : « mon amour » (v.2) sujet de « coule » ou COI de « souvienne » ??

On n’a pas à choisir car le poète laisse volontairement dans le double sens et souvenir continuité dans le courant. Il a créé l’ambiguïté. L’amour mort mais souvenir présent et vivant (temps utilisé : impératif)) ? faire ressurgir l’image du couple. Le poète exprime ainsi cette souffrance créée par le conflit amour mort/souvenir vivant. Il veut faire ressurgir l’image de la souffrance : le passé pèse sur ses bras (troisième strophe).

Chiasme : « Des éternels regards / l’onde si lasse » (adjectif, nom). Le souvenir du couple aimant devient aussi immobile que le reste du décor. « le pont de nos bras » (v.9), « faut-il qu’il m’en souvienne » (v.3) ? interrogation ou exclamation (pas de ponctuation). ? Marque douleur du souvenir, amertume. Allitération en « s ».

Ce souvenir, au lieu d’être la restitution du bonheur, s’impose malgré lui car il est permanent. L’amertume et la souffrance viennent de la permanence du souvenir.

3. La permanence du poète

Le refrain est coupé en deux « jours s’en vont » « je demeure » (pas de mot de liaison) => parataxe. Cela renforce l’opposition.

Opposition pluriel/singulier ? montre solitude et impuissance. Cette stabilité accroît le regret du passé. « Vienne » « sonne » ? subjonctif. Valeur d’ordre/souhait ou valeur de concession (même si) : v.11 et v.23 : marque souffrance de cette permanence : deux subjonctifs.

La métaphore poète/pont marque la permanence et l’immobilité, la souffrance vient de là. Deux premières strophes : « nos cœurs nos bras », deux dernières strophes : « l’amour, le temps ». ? le pont devient un symbole de la stabilité masculine (pont : masculin reste, Seine : féminine part). Souffrance encore plus grande.

La Seine devient symbole de son destin, de sa mort. Il voit que le fleuve est indifférent à sa souffrance (temps : les femmes) ce qui montre le refrain et les reprises des derniers vers.

Le dernier vers est symbole de l’indifférence du monde à sa douleur. Il ne peut que ressasser sa douleur comme le refrain.

Le poète lui-même conflictuel rend compte du conflit psychologique et permet d’exprimer la souffrance non plus comme la plainte primaire mais comme une élégie.

III. Le poème est lui-même conflictuel

1. Sa structure exprime à la fois la continuité et la structure

• * Répétition du premier vers et dernier vers ? continuité de l’eau.

• Strophe 1 : assonance « é » et « ou », allitération « s » et « n », rime en « éne ».

• Strophe 2 : assonance « a » et « on », allitération liquide.

• Strophe 3 : assonance « a », « an », « i-é » et « i-o », allitération en « v ».

• Strophe 4 : assonance « é » et « ou », allitération « s » et « n », rime en « éne »

Continuité car effort échos dans chaque strophe et aussi par reprise des sonorités et de la première à la dernière strophe ? même. Effet de musicalité.

Rupture :
– décasyllabe coupées entraîne l’intrusion d’une rime masculine (pas « e » à la fin) qui introduit quelque chose de plus dure (rime féminine exprime la plainte). Associé à la permanence
– Absence de ponctuation ? ambiguïté.
– Refrain en heptasyllabe (sept syllabes) alors que strophes de 10 syllabes.

Le poète exprime la nostalgie et l’insouciance.

2. Il exprime à la fois la nostalgie et l’impatience

On voit des variations de la nostalgie par rapport à l’amour passé et le temps dans lequel c’est passé cet amour et la volonté de passé à autre chose.

Espérance peut-être d’un amour nouveau.

Subjonctif du refrain ? concession ou souhait. Souhait ? impatience, amertume qui naît.

Concession ? souffrance, désir de retour en arrière, souffrance de ne pouvoir passer le temps comme l’eau.

Nostalgie de ce qui n’a pas changé et impatience de lui-même éviter la souffrance ; v.7-10 et v.13-16.
Face à face ? permanence ; passe ? changement ; lasse ? impatience ; la vie est lente ? permanence ; l’espérance est violente ? volonté de changer.

Les rimes marquent ce conflit, le désir d’être autre chose.

Le poète reste figé dans sa douleur amis désir aussi le changement, ce qui marque le conflit entre subjonctif et présent indicatif (subj. : irréel, indicatif : réel).

3. Il se rattache à une tradition pour mieux y échapper

Thème lyrique : amour et fuite du temps (tradition).

Il se rattache aussi à une ancienne tradition.

D’abord du Moyen Age : balade avec un refrain : lyrisme, par certaine tournure de style : incorrection volontaire, archaïsme (onde, éternel regard), archaïsme dans la construction.

Tradition héritée du Moyen Age, tradition pour mieux en échapper.

Troisième thème lyrique : permanence de l’être : original, disposition des rimes (3rimes féminines, 1 rime masculine), c’est un poème imparisyllabique employant de vers pairs pour les strophes (10+4+6+10) et un vers impaire (le distique refrain est constitué d’heptasyllabes).

Ambiguïté : absence de ponctuation.

Conclusion

Le poème est un exemple de l’esthétique d’Apollinaire à la fois lyrique et instaurant une nouvelle écriture poétique.

Il y montre sa sincérité et sa virtuosité. Ainsi se révèle le rôle qu’il attribue à la poésie sous la forme de la spirale de l’éternel recommencement.

La poésie permet une renaissance.

Apollinaire est bien novateur dans la mesure où il inaugure ainsi la poésie surréaliste.

On peut rapprocher ce poème de la dernière strophe du poème Marie qui a recours aux mêmes images, au même cadre : « Je passais au bord de la Seine, le fleuve est pareil à ma peine, il s’écoule et ne tarit pas ».

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