Pierre de Ronsard

Ronsard, Je vous envoie un bouquet que ma main…

Poème étudié

Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies ;
Qui ne les eût à ce vêpre cueillies
Chutes à terre elles fussent demain.

Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés bien qu’elles soient fleuries
En peu de temps cherront toutes flétries
Et comme fleurs périront tout demain.

Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame,
Las ! le temps non, mais nous, nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame ;

Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n’en sera plus nouvelle ;
Pour ce, aimez-moi cependant qu’êtes belle.

Introduction

Carpe diem : Philosophie qui prône le savoir vivre au moment présent.

Épicurisme : Épicure, 7e avant J-C. Savoir profiter de toutes les occasions qui se présentent. Ronsard a écrit des hymnes, discours, poésies amoureuses, a soutenu le parti catholique. Inspiration à l’égard des femmes et de la poésie amoureuse. Cassandre 15 ans. Marie. Entre les poèmes inspirés par Marie et par Cassandre, grande différence. (Pétrarque 15ème siècle, poète italien) : amour de Marie simple, conventionnel, ce sonnet est composé de décasyllabes, qui suit un schéma de rimes tout a fait régulier.

Participe passé du verbe « choir », elle fusse chute = elle serait tombée.

Relation/comparaison établie entre la femme et la fleur ? Qui entraîne une méditation sur le temps qui passe.

I. La femme/fleur

A. Beauté/épanouissement

Beauté pas expressément évoquée, « je vous envoie un bouquet » : marque des deux protagonistes. Système énonciatif poète + destinataire. Thème du sonnet = envoie d’un bouquet. Ton très simple. Le bouquet a été composé avec tendresse, trié, avec des fleurs épanouies. Moment de leur plus bel éclat, ton très familier. Sincérité du sentiment qui inspire cette intention. On voit bien que la beauté va être associée à la fragilité. « Que vos beautés – fleuries » « comme fleurs » 3x fleur. Insistance sur cette analogie/comparaison, le v.6 met bien en valeur le groupe « vos beautés », il s’adresse à une femme qui est belle, en plein épanouissement, comme la fleur. Image connue, traditionnelle. Symbolisme banal. Dans d’autres poèmes, c’est la rose. Beauté associée à la fleur évocatrice de fragilité.

B. Déclin et chute

V.3/4 repris v.6/7/8 : il y a plus de vers consacrés au déclin que de vers consacrés à la beauté. Ces deux vers sont marqués par des inversions.

Notation temporelle « demain ». « Ce vêpres » : très court laps de temps qui marque le plein moment de la beauté et la chute. Fuite rapide du temps. Imminence de la mort. Inversion des termes. Pléonastiques. Chute = nous impose la vision désolante des fleurs tombées. Sonorité assonance en [u] dominante.

II. Fragilité

On assiste au déclin v.6/7/8 : fragilité mise en valeur par la notation temporelle « demain » mise en fin de vers et « ce vêpres » (= ce soir). Très court laps de temps. Fuite rapide du temps qui se termine par la mort.

Image funèbre dans ces deux vers de la mort, v.7/8, avec une insistance en « peu de temps » en début de vers et « soudain » en fin de vers. Brutalité de la mort. Rimes fleuries et flétries se trouvent à la même pour souligner que la fleur ne dure pas longtemps. Le v.5 exprime l’éventualité.

III. Méditation sur le temps qui passe

A. La fuite du temps

Exprime de manière simple le temps qui passe. Banalise. V9 : rythme entrecoupé de silences angoissés par le constat de la fuite du temps. « Ma dame », possession. V.10 : opposition doublement marquée. « Moins », « plus », nombreuses coupes par ponctuation. Correction du v.9 par v.10 qui donne une valeur angoissante par le « mais » qui nous concerne directement. Il utilise le même nombre de vers aux sonorités graves (voyelles nasalisées « on »/« ou »), impose cette vérité douloureuse de la fin, de la mort.

Mot présenté par l’euphémisme du v.11 + sonorités nasalisées. Vision concrète. Image de la mort imminente.

B. Idée de la mort

Mort qui apparaît + v.13 « quand seront morts » résonne puisqu’il est au milieu du vers. Lien entre amour et mort.

Trop tard pour goûter à l’amour. Emploi du futur qui évoque v.14, qui exprime la conclusion qui invite à l’amour avec l’impératif « aimez-moi ». La femme est initiatrice. Inversion = au début je et vous à la fin vous et moi.

La beauté plus brève encore que la vie. Thème du carpe diem. Conclusion épicurienne. Il rend hommage à la beauté de la femme et concilie le profit du moment présent. Relie amour et beauté : visée presque argumentative car relation de cause/conséquence.

Conclusion

Sur un thème épicurien avec la comparaison femme/fleur. Ronsard trouve ici une expression toute simple et musicale, un ton très naturel et juste pour exprimer la grâce et la délicatesse par l’envoi d’un bouquet de fleurs. Sonnet se fait plus grave car il utilise des images mélancoliques du temps et de la mort. Le dernier tercet résume en quelques mots le tragique de la destinée humaine. Dimension profonde.

Du même auteur Ronsard, Les Amours de Cassandre, Ciel, Air et Vents... Ronsard, Derniers vers Ronsard, Les Amours, Douce beauté, Meurtrière de ma vie Ronsard, Les Amours de Marie, Comme on voit sur la branche... Ronsard, La Nouvelle Continuation des Amours, Hé que voulez-vous dire ? Ronsard, Sonnets pour Hélène, Quand vous serez bien vieille... Ronsard, Discours des misères de ce temps

Tags

Commentaires

0 commentaires à “Ronsard, Discours des misères de ce temps”

Commenter cet article