Balzac, Eugénie Grandet, Résumé
Roman d’Honoré de Balzac publié en 1833, Eugénie Grandet appartient à la Comédie Humaine, un ensemble de portraits sociétaux qui décrivent avec réalisme l’univers domestique et les mentalités parisiennes et provinciales sous la Restauration française, un temps où d’après l’auteur, la société demeure figée dans ses traditions, un temps où « l’argent est la seule puissance » qui gouverne l’esprit des hommes.
Première partie : l’émergence de l’amour contre le profit
Après la Révolution, Félix Grandet, ancien maire et tonnelier de la ville de Saumur, a fait fortune grâce à d’heureuses spéculations et n’a de cesse de l’accroître grâce à son extrême et maladive avarice. Il est entouré de son épouse, « une femme sèche et maigre, jaune comme un coing, gauche, lente », de sa fidèle et dévouée servante Nanon, et de sa ravissante et douce fille Eugénie. Le père Grandet administre toute la maisonnée en véritable despote, imposant à tous, malgré sa fortune, une existence austère et indigente entre les murs d’une maison froide et lugubre.
Sa fille Eugénie est une âme noble et innocente, ignorant tout de la convoitise insatiable des hommes. Le vieil avare lui cherche un bon parti, ce qui fait d’elle la proie des notables les plus cupides de la ville. Deux grandes familles bourgeoises et vénales de Saumur, les Cruchot et les Des Grassins, se disputent ainsi les faveurs de la jeune héritière en vue d’un mariage profitable. Le père Grandet sait parfaitement jouer de sa posture pour mesurer la servilité et les ressources des deux clans.
Mais le soir de l’anniversaire d’Eugénie qui célèbre ses vingt-trois ans, Charles Grandet, le jeune neveu du vieux Grandet, fils d’un riche négociateur parisien, élevé dans l’opulence et l’oisiveté, arrive à l’improviste chez son oncle Félix. Charles ignore encore que son père a fait faillite de quatre millions et qu’il s’est donné la mort d’une balle dans la tête. Tout est expliqué dans une lettre à l’intention de Félix Grandet à qui son frère demande de gérer la liquidation de son négoce et de donner à son fils Charles les moyens d’aller tenter fortune aux Indes. C’est donc le père Grandet qui annonce la triste nouvelle à Charles et qui va s’acquitter de son devoir fraternel sans plus d’émotions et à moindres frais.
Sensible au charme du jeune parisien et émue par son histoire malheureuse, Eugénie tombe amoureuse et se prend de passion pour cet élégant cousin. Charles de son côté est touché par la sollicitude de la jeune fille et va rapidement partager cette tendresse amoureuse. Le vieux Grandet travaille alors à éloigner le plus rapidement possible ce neveu insolvable et embarrassant pour lequel il n’éprouve plus qu’un simple mépris. C’est donc après avoir échangé un baiser et prêté un serment de fidélité et d’amour éternel que Charles quitte la demeure des Grandet et embarque pour les Indes dans l’espoir d’y faire fortune. Il a promis d’épouser Eugénie à son retour d’Orient. Son départ est un moment très douloureux pour Eugénie qui va désormais contempler la vie à travers le souvenir de son grand amour et l’espoir de le retrouver.
Seconde partie : les illusions perdues
Comprenant qu’Eugénie a confié à Charles lors de son départ les pièces d’or de collection qu’il lui offrait deux fois l’an, le père Grandet entre dans une colère noire : « Tonnerre, où est l’Or ? Qu’est devenu l’Or ? ». Il emprisonne littéralement sa fille dans sa chambre, la condamnant au pain sec et à l’eau. Madame Grandet, minée par le conflit entre le père et la fille, tombe gravement malade et s’affaiblit progressivement malgré les soins de son entourage. Le vieux Grandet ne se rapprochera d’Eugénie qu’à la mort présagée de sa femme, mais c’est davantage pour empêcher qu’Eugénie ne réclame de droit la part d’héritage qui lui revient de sa mère, que par réelle pitié ou par retour d’affection. L’intérêt prévaut toujours sur les sentiments dans le cœur de Félix Grandet.
Eugénie demeure fidèle à ses sentiments, elle fait perdurer son rêve d’amour et ses illusions tandis que Charles ne lui donne aucune nouvelle.
C’est au bord de la tombe que le père Grandet baignant dans son précieux trésor qu’il se plaît tel Harpagon à voir étaler une dernière fois devant lui, se résout à livrer sa fortune à sa fille. Sans scrupule, il ne manquera pas avant de mourir d’adjoindre cette recommandation en guise de dernière volonté : « Aies bien soin de tout, tu me rendras compte de ça là-bas ».
Le cousin Charles finit par revenir des Indes, enrichi après une éprouvante vie d’aventurier et une carrière de marchand d’esclaves en tout genre qui a finit d’endurcir son caractère et d’assécher son cœur. Sa ruine soudaine lui avait fait perdre ses bons sentiments et la soif de l’or l’a définitivement gagné. Surtout, il n’a gardé que peu de souvenirs des serments prêtés lorsqu’il avait tout perdu à la jeune fille de province, candide et généreuse, dont il ignore aujourd’hui qu’elle est à la tête de l’immense fortune de dix-sept millions. Il a refusé de s’acquitter des dettes de son père et effectue de son côté un médiocre mariage d’intérêt avec la marquise d’Aubrion pour laquelle il n’a guère de sentiments.
Après avoir appris la nouvelle par lettre de ce Charles devenu froid et intéressé, qui lui rembourse ses premières pièces d’or, Eugénie paiera pour lui les dettes de son oncle et épousera dans l’indifférence l’un de ses vieux prétendants de Saumur, le président Cruchot de Bonfons, à condition que le mariage reste « blanc ».
Eugénie Grandet deviendra veuve à trente-six ans, humble et solitaire, vouant son existence monotone et sa fortune à des œuvres de charité.